éditions Théâtrales Jeunesse

Le Gardien de mon frère

de Ronan Mancec

Carnet artistique et pédagogique

Dans la continuité du travail sur la mise en voix, une scène qui peut donner l’occasion d’un travail de groupe se situe à la séquence 23. Nous l’avons déjà évoqué dans l’analyse du texte, cette séquence peut être l’occasion de verbaliser tous les méandres du personnage et de les inscrire sur des pancartes. On pourra demander au groupe de fabriquer son panneau en inscrivant les répliques qui incarneraient les échecs et les saillies blessantes prononcées tout au long de la pièce par Jo. L’image du seuil où Abel attend a aussi quelque chose d’éminemment théâtral. Pour poursuivre le travail de mise en espace de la quatrième expérimentation, on pourra accentuer l’aspect obsédant des phrases de Jo pour Jo lui-même qui réalise à ce moment-là tout ce qu’il a fait subir à son frère. Ce combat intérieur qui viendrait remettre sur scène les phrases prononcées, soit par l’intermédiaire du panneau, soit par l’intermédiaire de voix enregistrées lors de la première expérimentation, mettra le personnage face à ses contradictions. Cela permettra de donner du corps à l’interprétation de ce combat dont le symbolisme paraît assez ardu pour des adolescents pour être joué tel quel. Il ne s’agira donc pas de jouer ce combat, mais de montrer comment il émerge à l’intérieur du personnage. Ce travail permettra de mettre en évidence un des concepts clé de ce texte : les mots peuvent tuer.

Le texte est complexe à apprendre et ne saurait être joué par un seul acteur. On pourra partager la classe en trois groupes distincts : les voix et porteurs de panneaux de Jo qui seraient comme des sortes d’Érinyes, un groupe d’élèves qui prendrait en charge la voix de Jo et un autre qui porterait la voix d’Abel. Pour distinguer simplement les deux groupes de personnages, on pourra soit utiliser un code couleur de vêtement, soit si on dispose de matériel utiliser des lumières différentes. Nos Érinyes seraient matérialisées quant à elle par le panneau écrit à la main et se déplaceraient sur scène peut-être en cercles concentriques autour du groupe de Jo, ponctuation scénique que l’on placera aux moments opportuns dans le récit du combat intérieur. Cette ponctuation scénique des Érinyes par la multiplication des acteurs sur scène permettra le mouvement, précisément parce que les acteurs de Jo incarneront le conflit intérieur en s’opposant les uns les autres. Cela permettra de rendre le combat métaphorique en une tension intérieure du personnage qui lutte contre le monstre qui est en train de naître en lui. Cette mise en jeu aura l’avantage de montrer à quel point Jo est un personnage contradictoire et il faudra laisser les élèves en venir naturellement à confronter leurs corps pour retracer cette tourmente. Quant à Abel, il sera incarné par deux ou trois élèves maximum et sera immobile à observer les Jo s’échanger des paroles et mettre en place une tension physique. D’autant que cette scène pourrait donner lieu à un vrai dialogue entre les deux personnages notamment aux pages 78-79 avec les deux groupes qui se feraient face, les Jo plus exténués et en matérialisant à quel point les Érinyes ont déjà anéanti leur furor. Peut-être que cela pourra se montrer par le fait que les Érinyes quittent la scène peu à peu ou retournent le panneau. Cette décomposition des rôles en plusieurs voix permettra de faire participer toute la classe et d’impliquer chacun dans une vision tragique de ce combat.