éditions Théâtrales Jeunesse

Tout au long de la pièce, on alterne entre point de vue narratif (qui s’adresse directement au public) et perspective des animaux (où les acteur·rices incarnent les animaux). Ces changements rapides peuvent être découverts dans les passages suivants

1. Introduction du rhinocéros : extrait scène 1 p. 10 (de « Et sûrement pas le rhinocéros » à « est mort. »)

Dans cet extrait, les propos du rhinocéros sont rapportés par différent·es narrateur·rices ("Premier", "Deuxième", "Troisième" et "Quatrième"). Originaire d’une région lointaine, le Bengale, il ne parvient pas à comprendre où il est, ce qui l’attriste.

Première lecture par l’enseignant·e qui lira le texte d’une manière neutre.

Discussion
Jusque - là les 4 narrateurs racontaient l’histoire : qu’est-ce qui change ici ? Tantôt ils racontent, tantôt l’un ou l’autre rapportent les paroles du rhinocéros. Que vont donc devoir faire les acteurs qui n’auront pas le temps de changer de costume ?

4 élèves prendront en charge le texte. On leur demandera de bien enchaîner les répliques sans blancs, de jouer sur une différence de leur voix de narrateur et de rhinocéros, et de bien lancer ensemble les « clic-clic ».
Au besoin on reprendra la lecture avec les mêmes élèves, jusqu’à trouver l’expression de l’étonnement, la déstabilisation du rhinocéros.

Interrogations ou apports de l’enseignant
On retrouve dans ce passage trois découvertes déjà faites sur l’écriture de l’auteur : les reprises/variations ; la progression du conte avec un nouvel animal ; le mélange des tons : amusant avec le recours à l’onomatopée (« clic-clic » ), puis la noirceur qui tombe brutalement (« et le rhinocéros du Bengale est mort d’un coup »). On pourra ajouter que ce clignement des yeux est le propre de cet animal mais qu’on retrouve là, l’idée de la vision, présente dans le titre et récurrente tout au long du texte.
Pour des plus vieux de cycle 4 qui eux ont connaissance des réalités et des images de la Shoah, on fera découvrir la part d’humour noir aussi (« mais où est-ce que j’ai bien pu atterrir ? ») que l’on retrouvera lui aussi tout au long du texte (cf notamment p. 16).


2. Le rhinocéros meurt : extrait scène 1, bas de la p. 10 à la p. 13 (passage du narrateur-conteur au narrateur-personnage)

Objectif : déterminer quels sont les effets de ces changements entre narration et discours direct des personnages

Ici, le corps du rhinocéros, que l’on devine bien plus imposant que celui des autres animaux, est étendu, inerte, sous la neige. C’est un choc pour Petite-Marmotte, les cygnes Milady et Milord s’interrogent sur ce qui a pu provoquer cela, le mal du pays selon eux, Papa Babouin considère que le rhinocéros, sensible à des choses qu’il a vues mais dont il ne devrait pas se soucier, est mort de sa trop grande curiosité, etc.

Cette fois-ci les narrateurs·rices ne rapportent pas seulement les paroles des animaux mais les jouent puisque ceux-ci sont nommément désignés par l’auteur avant chaque réplique et distribués entre les 4 narrateur·rices (on se reportera à la liste des personnages p. 6).

Exercice
Lire successivement le texte à haute voix en répartissant les rôles, une première fois comme prévu par l’auteur : A) avec 4 acteur·rices ; une seconde B) avec 11 acteur·rices et 4 narrateur·rices (Premier, Deuxième, Troisième, Quatrième) et les animaux : Petite- Marmotte, Maman Marmotte, Milord, Milady, Papa Babouin, Monsieur Mouflon, Madame Mouflon.

On laissera un petit temps aux élèves qui s’entraîneront de manière à ce que les auditeur·rices entendent et ressentent l’effroi, la colère ou la rage des animaux du zoo et distinguent bien les voix des narrateur·rices et des personnages-animaux, particulièrement dans la version à 4 acteur·rices.
Dans la mesure du possible, il serait bon qu’un même petit groupe d’élèves reste auditeur pour les deux versions (peut-être sans avoir le texte sous les yeux).

Discussion sur la modalité de narration
Quel effet provoque la narration répartie entre 4 lecteur·rices (version A) qui alternent entre narration et personnages-animaux ? Quel effet provoque chez les acteur·rices et le public la narration répartie sur plusieurs rôles (version B) ?
La réponse n’étant pas facile, on pourrait s’en tenir aux premières réponses des élèves, la suspendre, en précisant qu’on y reviendrait dans la mise en voix ou en jeu.
Réponses possibles : dans un cas (A) les narrateur·rices restent maîtres du récit, de l’histoire racontée aux lecteur·rices/spectateur·rices et imitent les personnages animaux : les acteur·rices sont des acteur·rices-conteur·rices. Dans l’autre cas (B) des acteur·rices jouent les seuls narrateur·rices extérieur·es, présentant seulement des animaux joués eux par d’autres personnes. Cela change le rapport du spectateur à la scène : dans le premier cas il suit les narrateur·rices et s’intéresse plus au déroulement de l’histoire qu’aux animaux ; dans le second cas il s’intéresse davantage aux animaux qui sont des personnages semblant « vrais », il peut même s’y identifier.

Pour faire percevoir ce jeu d’acteur·rice-conteur·rice, l’on pourrait recourir au visionnement de certains·es comiques seuls en scène.
Avec les lycéen·nes, l’on pourra aborder la notion de distanciation et la distinction entre théâtre dramatique et théâtre épique, théorisées par Bertolt Brecht. Les effets produits dans la version épique de l’auteur (A) sont à la fois un effet comique plus important dans cette version et un regard critique sur le comportement des animaux.
Avant de quitter ce passage, l’on attirera l’attention sur le fait que l’on a retrouvé le mélange des tons (notamment par l’emploi de nouvelles onomatopées BD). On reviendra sur la notion d’humour noir (on pourrait en lycée évoquer l’humour noir des juifs eux-mêmes sur la Shoah puis l’illustrer par une lecture personnelle de La plus précieuse des marchandises (voir bibliographie)

Lecture silencieuse de la p.14
On terminera cette découverte du début du texte par cette page, qui déjà tire une première leçon morale (il ne faut pas oublier une tragédie) et qui relance la question sous-entendue dans le titre et ainsi, le mystère, l’attente du lecteur ou spectateur : qu’a vu le rhinocéros ? Là encore on revient au plus sombre de l’histoire.