éditions Théâtrales Jeunesse

La Petite Danube

de Jean-Pierre Cannet

Carnet artistique et pédagogique

a. La question posée à la scénographie

On se reportera utilement aux deux premiers chapitres de 10 rendez-vous en compagnie de Yannis Kokkos (scénographe d’Antoine Vitez) publié par l’ANRAT et Actes Sud–Papiers dans la collection Les Ateliers de théâtre.

On procédera comme le scénographe et le metteur en scène par le relevé de tous les mots concrets et expressions qui évoquent l’espace / la lumière / la couleur / l’objet / l’action concrète (dans ce texte-ci on limitera cet item à Anna, au Père, à la Mère et à l’Interprète).

On constatera, entre autres, la multiplicité des lieux, la dominante d’espaces extérieurs et d’hiver différents, qui tous visent à créer une atmosphère et une symbolique, comme déjà observé. Donc l’impossibilité de représenter tous les lieux qui se « superposent », la nécessité induite aussi par le théâtre récit d’un espace vide.
Dès lors quels espaces figurer ? Quelle scénographie imaginer qui soit une image symbolique de tout le texte (ses espaces, son atmosphère, son propos, son écriture etc.) ?

Après avoir fait l’inventaire des moyens à la disposition du scénographe et du metteur en scène (on n’oubliera pas la bande-son musique ou les bruitages qui peuvent suggérer un paysage, une saison, des phénomènes atmosphériques), et avoir fourni un lexique de l’espace scénique (jardin, cour, avant scène, lointain, cintres, etc. Voir TDC n°780 L’Espace théâtral) on pourrait demander d’imaginer, par groupes ou individuellement, une scénographie et de la restituer sous forme d’esquisse (vu le peu de « décor », cela risque d’être peu explicite, à moins de travailler avec le professeur d’arts plastiques) ou de texte (occasion de travailler sur un type de description documentaire et d’intégrer le lexique du théâtre).

Au retour, les échanges sur ces propositions seront le moyen de mesurer et d’exercer l’esprit de synthèse.

b. La question posée au jeu et à la mise en scène

Le chapitre Le récit en première ligne a déjà mis en évidence le fait que les dialogues n’avaient pas le même statut que dans la forme dramatique, classique, du théâtre. Aller plus avant dans leur observation permettra de comprendre que cela demande aux comédiens un type de jeu particulier que l’expressionnisme vient renforcer.
On observera les apparitions du passé dans le récit et sa situation ou non dans un espace précis.
La plus simple : courtes ou très courtes scènes détachées (exemple p. 10 et suivantes ; p. 37-39 : juxtaposition complexe d’espaces temps différents). D’où l’impossibilité de les jouer vraiment, de jouer les changements d’espaces. Le plus souvent elles ne sont pas introduites, s’enchaînent avec le récit dans une sorte de fondu enchaîné, soit qu’elles illustrent, soit qu’elles surgissent avant d’être commentées. Cela exige des comédiens, interprètes des personnages convoqués par Anna, une présence immédiate forte qui ne peut s’appuyer sur un décor, des accessoires, une situation. Ils doivent se penser un peu comme les marionnettes d’Anna et exprimer cette vision d’enfance « expressionniste » par un jeu un ton au-dessus mais pas caricatural (voir Mise en jeu de la séquence finale). À partir de là, on demandera aux élèves sur quels éléments les comédiens vont plutôt travailler dans leur palette de jeu : l’intériorité, le corps, la voix, l’incarnation, la distanciation, les gestes ou la gestuelle on entend ici par gestuelle, le geste qui apparaîtra comme le signe du personnage par opposition aux gestes réalistes quotidiens. (Voir la notion plus complexe de « gestus » chez Brecht).

La mise en scène sera confrontée aussi à la question de l’entrée et sortie des personnages pour chaque scène flash ou de la présence continue des comédiens / personnages, qui irait elle aussi dans le sens du théâtre épique. (Voir la présentation qui en est faite par André Degaine p. 345-347 dans son Histoire du théâtre dessinée)
Paroles dans le récit comme des citations introduites avec ou non par des verbes introducteurs p. 11 (Il a dit : « Ce n’est pas du vol que de voler les voleurs ») qui sans doute induirait une imitation de la voix du personnage cité.
Paroles glissées sans guillemets p. 32 (« Je ne suis encore qu’une enfant, tu es trop grand », « Vous souvenez-vous de ce prisonnier qui s’est enfui ? »), paroles intérieures du soliloque (ou du remémoré ?) p. 31 (« Maintenant, réponds à la question de Monsieur l’Interprète ») : à adresser à soi-même.
On remarquera que même récit, le théâtre n’aime pas le discours indirect dont, sauf erreur, on ne trouve pas d’exemple : au théâtre, les paroles, même rapportées sont « présentes » et appellent une part de jeu.

Écriture : Le cas d’Anna : 1 ou 2 comédiennes ?

Toute cette partie pourrait évidemment, partir de ou donner lieu à des exercices de réinvestissement de l’étude des discours par la transposition d’un passage en écriture romanesque.

Essai des deux solutions par une mise en espace, livre à la main, du passage p. 21 (de « De retour à la maison » à p. 23 « j’y vais ») et de la p. 32.

  • Solution 1 avec 2 Anna : 1ère réplique serait jouée par l’Anna enfant pendant la narration ? (mais le théâtre n’aime guère la redondance ; et qui dirait la fin au discours indirect libre Anna enfant ? Anna adulte ?). Le dialogue qui suit serait joué de manière réaliste et dans cette logique les élèves mettront une table (mais, la dernière réplique d’Anna p. 22 où Jean-Pierre Cannet mêle les deux Anna, sans même un passage à la ligne, posera question)
  • Solution 2 avec 1 Anna, sans doute plus difficile à imaginer pour les élèves donc à guider : la narratrice figurerait Anna enfant en passant de la position debout à la position assise, ne jouant pas tout ce qui est écrit, en en donnant plutôt l’idée. On prendra conscience que, dans cette solution 2, la présence de la table et des parents attablés s’accorde mal à l’ensemble. Il faudrait alors déterminer la place du père et de la mère dans l’espace vide défini plus haut.

Il y a fort à parier que les élèves (et adultes peu habitués des théâtres) préfèrent la solution 1 : « C’est plus vivant » ! Peut-être, sauf que… Jean-Pierre Cannet n’indique qu’une Anna la narratrice dans la liste des personnages. Il ne donne pas de précision d’Anna enfant ou d’Anna narratrice. Et toute l’analyse qui a été faite du texte va plutôt dans le sens d’une seule Anna. On rappellera aussi aux élèves que l’essentiel est l’adresse d’Anna au public.

On cherchera sur quoi la comédienne jouera surtout pour exprimer les deux parts d’Anna.

On observera par ailleurs que certains personnages sont désignés comme voix, voix du Rom, voix d’Arthur, ce qui induit une présence/absence sonore, un éloignement du réalisme, encore confirmé là.
Sur cette question de l’interprétation d’Anna, d’autres choix sont sans doute possibles, pour peu qu’ils évitent la redondance et le réalisme, en contradiction avec la forme choisie par Jean-Pierre Cannet.
On renverra au texte de Jean-Claude Gal, metteur en scène qui a créé la pièce, à la fin du livre : on demandera aux élèves de sélectionner les phrases qui correspondent au choix de sa mise en scène. On commentera les photos qui en témoignent (voir les photos de la mise en scène de La Petite Danube par Jean-Claude Gal sur le site Internet du Théâtre du Pélican).

En guise de conclusion

On pourrait en toute fin de travail, se livrer à une analyse de la couverture du livre. Pour mieux en mesurer l’expressivité, il serait bon de la comparer à d ‘autres de la même collection dont la ligne graphique est une variation sur le ballon.

Écriture de synthèse

En lycée : Texte argumentatif :

Après lecture et étude d’une ou deux « notes d’intention » de metteurs en scène, figurant dans les dossiers de présentation des spectacles ou les programmes de théâtre, écriture d’une note d’intention pour La Petite Danube.
Texte de fiction à la manière de :
Un jeune homme ou une jeune fille est contemporain d’un fait d’actualité nationale ou internationale qui porte atteinte aux droits de l’homme…

En collège : À la manière de… :

  • réécriture d’un extrait d’autobiographie à la tonalité assez neutre en scène de théâtre récit expressionniste.
  • écriture d’une scène de théâtre récit autobiographique à la tonalité poétique ou expressionniste évoquant un moment d’enfance qui a laissé des traces lumineuses ou sombres.