éditions Théâtrales Jeunesse

Une chenille dans le cœur

de Stéphane Jaubertie

Carnet artistique et pédagogique

C. Mise en jeu

Quatre extraits retiennent notre attention parce qu’ils mettent en lumière les singularités de ce texte ; l’exploration au plateau de ces quatre passages permettra de dégager et de valider les enjeux dramaturgiques et scénographiques de la pièce.

Objectif

  • Mettre en jeu la langue du poète : élaborer 3 mises en jeu, en expérimentant, en métissant les langages artistiques de façon à proposer plusieurs interprétations de ces extraits
  • Développer une réflexion sur l’espace théâtral et la scénographie

Consigne élève : Voici 4 extraits, à vous d’élaborer un schéma de mise en scène (mise en espace et mise en jeu) et d’expérimenter vos propositions au plateau (mise en voix).

Au choix, se répartir les 4 extraits dont deux seront travaillés en chœur : la narration et la création de l’espace dramaturgique global.

  • Un chœur pour la première réplique et la circulation de la parole
  • Un chœur pour raconter les histoires et travailler la mise en abyme
  • Un groupe pour l’échange entre les deux protagonistes et l’installation de la tension entre les deux personnages / de l’enjeu de la pièce
  • Un groupe pour faire surgir les personnages du passé

Pour aborder la mise en jeu de ces fragments, envisager le passage au plateau de ces quatre extraits, nous proposerons d’abord aux élèves un temps de réflexion collective sur la dramaturgie avant de créer, d’élaborer des propositions de scénographie.

1/ Établir la liste des singularités de ce texte et des enjeux dégagés lors du travail de mise en voix et de mise en espace.

Questions

1. Comment faire exister la Présence ? Comment faire pour que la Présence occupe en permanence l’espace scénique sans être forcément au premier plan ? Comment faire coexister la Présence avec les autres personnages ? Quel espace attribuer à chacun ?

2. Quel espace dramaturgique proposer ? Comment procéder pour faire vivre différents espaces / lieux et différentes temporalités dans un même espace théâtral ? Comment structurer l’espace scénique ?

3. Comment effectuer le relais de la parole entre ces personnages quand la temporalité change ?

4. Comment faire vivre, redonner vie aux personnages qui sont morts, disparus ou inexistants ?

Éléments de réponse / pistes à envisager

  • Espace dans lequel se côtoient plusieurs temporalités ; cette nécessité implique d’établir des codes / conventions de jeu et des espaces dramaturgiques aisément repérables pour que tout soit limpide pour le spectateur.
  • Choisir un lieu principal : le lieu de vie du bûcheron par exemple avec la cabane, l’arbre unique et les souches. Avec l’intrusion de l’enfant dans cet univers, tout est bouleversé et tout peut changer : à partir de cet espace dramaturgique principal, faire naître les autres endroits.
  • À chaque changement de lieu : utiliser une musique, ou le noir, ou une lumière singulière. (voir le travail de Joël Pommerat par exemple ou celui d’Ariane Mnouchkine).
  • Espace scénique investi par la Présence en permanence : elle est le maître du jeu, elle fait apparaître les lieux, les personnages, le passé… Lui octroyer un espace réservé dans lequel elle peut se retirer quand elle n’est pas en jeu. Lui octroyer un espace quand elle est conteuse.

La prise de parole : elle sera distribuée par la Présence qui donne vie à toute parole, à toute histoire. Travailler l’adresse pour différencier son statut de conteuse, de personnage appartenant au passé ou de personnage dans un autre rôle. Créer une convention ou trouver un principe de jeu pour ce relais de la parole : un objet, un jeu de lumière, une musique…

À partir de cette réflexion commune, proposez aux élèves de se répartir en groupes, de choisir un extrait et de traiter une des pistes élaborées. Proposez également aux élèves de dessiner des maquettes des espaces ainsi conçus, d’expliquer les conventions retenues ; chaque groupe viendra présenter ses éléments de réponse en se justifiant. Puis leur demander de traiter l’extrait choisi au plateau.
Se montrer les résultats pour croiser, confronter des regards différents sur le travail effectué.

Répartir les rôles : un scénographe (définition), des comédiens, un metteur en scène / dramaturge.

Supports

1. Le premier extrait retenu est le début de la pièce, soit les 5 premières répliques qui font apparaître la Présence, ce personnage singulier à l’identité trouble et dont la présence permanente au plateau est fondamentale. Cette première réplique est suivie de la première prise de parole du personnage principal et de l’échange qui s’engage entre les deux protagonistes. Il s’agit de s’intéresser à la circulation de la parole, c’est-à-dire comment elle est prise en charge par la Présence, comment cette dernière passe le relais aux personnages, vivants ou disparus.
Propositions pour la classe : travail choral.
Créer le dispositif scénographique général

Choisir de créer un espace scénique unique : le lieu de vie du bûcheron = lieu dramatique qui demeurera constamment au plateau et de cet endroit surgiront les autres espaces dramaturgiques évoqués. Espace non réaliste mais symbolique.

  • Exercice pour élaborer ce lieu dramaturgique. Réinvestir l’exercice développé dans le volet « mise en voix et en espace » à partir de la liste des arbres. Créer une forêt, celle qui précède l’arrivée du bûcheron décidé à la massacrer. Tous les élèves sont au plateau, chacun est un arbre qui naît, grandit. À partir du moment où une personne se saisit par exemple d’un chapeau, d’un sceptre, d’un livre, d’une chaîne / bijou, elle devient Présence et par conséquent maître du jeu : cette Présence qui fait naître la parole, l’histoire et les espaces, est une sorte de démiurge. On pourrait décider d’un espace qui lui serait réservé, un lieu scénique, sorte d’orchestra qui ferait le lien entre le public et les comédiens quand elle sera conteuse ; ce serait sa place quand elle ne sera plus en jeu ; établir les impératifs de ses déplacements, du relais de la parole et de la reprise de cette parole. Créer un rituel au plateau. Aux élèves de dessiner cet espace, ces possibles d’espaces et confronter les propositions.

2. Le second extrait que nous travaillerons est constitué de cet échange, du dialogue entre les deux protagonistes. Il s’agit du présent des personnages principaux, échange qui met en place l’enjeu vital de la rencontre entre ces deux êtres. Nous travaillerons sur la tension qui s’installe entre les personnages dès leurs premières répliques.

  • Exercice pour installer le face à face : répartir les élèves en binôme ; chaque binôme se place face à face sur deux lignes distantes. Le premier binôme se regarde, dès que l’écoute est installée, sans aucun échange, aucune parole, ni geste, chacun quitte sa place pour aller prendre la place de l’autre ; c’est celui qui prend l’initiative de s’engager qui propose une tonalité, une énergie. L’autre personne doit prendre en compte cette proposition et agir, réagir. Ils ne se quittent pas du regard durant ce déplacement et lorsqu’ils se croisent en milieu de parcours, l’émotion proposée est à son paroxysme : ils explorent les nuances de l’émotion donnée (gêne, irritation, colère, haine, détestation, sympathie, attachement, joie, amour…).
  • Les élèves sont toujours répartis en binôme sur deux lignes, une ligne de « oui » et une ligne de « non ». Installer une distance raisonnable entre les deux personnes, une distance qui installe la possibilité d’une conversation entre deux personnes. L’un dit oui et l’autre dit non, il s’agira de s’imposer ou de résister le plus possible à la tension proposée.
  • Variante : conserver le même dispositif. L’un veut passer, franchir une limite et pénétrer sur un territoire qui ne lui appartient pas ; l’autre refuse. Aucun contact physique n’est permis, aucune parole ; travailler avec le corps, la présence et imposer « Je veux passer » contre « Tu ne passeras pas ». Observer la domination évidente du bûcheron – plus imposant par sa taille et sa force physique – sur l’Enfant. Observer comment l’Enfant peut renverser ce rapport grâce à sa détermination.
  • Exercice pour aborder le travail de la tension. Installer dans l’aire de jeu un espace rectangulaire au centre duquel sera tracé un cercle ; le reste du rectangle sera divisé en quatre carrés, chacun d’eux contient une émotion : carré 1 = agacement, irritation, carré 2 = énervement, carré 3 = colère, carré 4 = fureur. Dans cet espace central, se trouve un élève qui sera bûcheron, c’est l’espace dans lequel il est tranquille, serein. Dès qu’un élève entre dans un des carrés, c’est le signal pour le bûcheron de sortir de son lieu et de perdre sa tranquillité : il choisit son émotion en réaction à la proposition faite par le premier élève. Si quelqu’un l’agace, il peut exploser de colère, entrer dans une rage folle… À décliner.
  • Se répartir les répliques du passage étudié. En cercle, pieds ancrés dans le sol, corps en tension, (le poids du corps peut basculer un peu vers l’avant). Adresser sa réplique avec une tonalité, une intensité à une personne du groupe ; celle-ci la lui renvoie à l’identique. Puis il choisit quelqu’un d’autre et lui lance sa propre réplique. Ou encore prendre également une réplique et la faire tourner en allant crescendo dans la tonalité proposée.

3. Le troisième extrait que nous aborderons met en lumière la mise en abyme, la notion de théâtre dans le théâtre avec le récit d’histoires appartenant au passé, histoires qui jalonnent la pièce de Stéphane Jaubertie.

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