éditions Théâtrales Jeunesse

Anatole et Alma suivi de L’Histoire d’Anna

de Sabine Tamisier

Carnet artistique et pédagogique

Bonjour, Pierre Banos ! Merci de répondre à nos questions sur le livre… Parce que, franchement, pour l’instant ce n’est pas très clair. D’ailleurs… vous êtes qui, vous ? Je sais déjà que ce n’est pas vous qui avez écrit le livre, donc vous servez à quoi ?

Alors, je suis l’éditeur, c’est un métier un peu mystérieux. Mes enfants pensent que je fais des livres. Mais ça ne veut pas dire grand-chose. En fait, mon premier travail, c’est de lire des textes pour décider ensuite si, en équipe, nous allons pouvoir en faire des livres. En gros, être éditeur c’est choisir des histoires (des pièces de théâtre nous concernant) pour qu’elles deviennent des livres imprimés et lus par les lecteurs et lectrices. Mais je ne le fais pas tout seul…

Est-ce que c’est vous qui écrivez le texte des quatrièmes de couverture ?

Ça m’arrive encore souvent, mais moins qu’avant où je les écrivais presque toutes. Le temps a passé et il vaut mieux qu’on change un peu de style, d’écriture pour ces textes. Je participe néanmoins toujours à leur élaboration finale.

Et c’est vous qui imprimez les livres ? qui les vendez ?

Non plus, l’éditeur n’est pas l’imprimeur. Nous envoyons des fichiers informatiques contenant la maquette du livre (Gaëlle Mandrillon expliquera mieux que moi !) et c’est l’imprimeur et ses grosses machines d’impression qui imprime l’intérieur du livre, la couverture, assemble ces deux parties du livre et les apporte dans les hangars du distributeur. Et c’est à partir de là que les livres sont envoyés aux libraires qui vendent les livres. Mais il a fallu, avant, que nous parlions aux libraires des livres qui allaient leur arriver. Donc nous ne les vendons pas directement aux lecteurs et lectrices, mais nous les vendons aux librairies.

Donc, c’est vous qui avez décidé de publier le livre ? Pourquoi ?

Parce qu’Anatole et Alma est une histoire qui m’a fait pleurer la première fois que je l’ai lue. J’étais en Italie, en vacances, et peut-être aussi parce que ma fille avait l’âge d’Alma et mon fils d’Anatole, cette histoire d’amitié et de fratrie m’a touché. Sabine Tamisier écrit toujours des textes qui reposent beaucoup sur une émotion partagée. Et ça a été le cas aussi ici.

On nous a dit qu’un éditeur peut faire presque tout ce qu’il veut avec l’objet-livre ? Est-ce que c’est vrai ?

Non, pas vraiment. Déjà parce qu’il y a une autrice et qu’on doit respecter son texte. Et puis parce que le texte est publié dans une collection « Théâtrales Jeunesse », qui est calibrée de telle façon qu’on publie les textes de la même façon : même police (le type des caractères utilisés), même format, même type de couvertures aux ballons… Mais au sein de ça, oui on peut s’amuser, inventer des choses de mise en page par exemple.

Dans le livre, j’ai vu que la collection est dirigée par vous et par Françoise du Chaxel. Mais, en fait, c’est quoi une collection ? Et c’est qui, Françoise du Chaxel ?

Heu, Lucile, je viens de te parler de collection… tu n’as pas suivi ? Alors comme tu ne comprends pas, je vais dire ça autrement : une collection c’est tout un ensemble de livres différents d’auteurs et d’autrices différent·es qu’on reconnait par leur format, leur couverture… et pour « Théâtrales Jeunesse », c’est Françoise du Chaxel et moi qui décidons de publier les textes qu’on lit ensemble.

Oulala, ça devient technique. Alors depuis François 1er, qui était Roi de France au début du XVIe siècle, tous les livres publiés en France doivent être « déposés » auprès d’une institution de l’État. Autrefois, c’était principalement pour des raisons de censure et de contrôle. Aujourd’hui, même si l’État peut continuer à surveiller ce qui est publié (notamment pour la jeunesse, car nous faisons un dépôt auprès du ministère de la Justice), on est davantage dans un souci de conservation : en effet, le dépôt légal est effectué auprès de la Bibliothèque nationale de France. Et termes de législation, il y a une chose importante à expliquer aux enfants (et à leurs enseignant·es) : depuis 1981, les livres sont toujours au même prix, qu’on les achète sur Internet, dans un supermarché ou dans une librairie (c’est la loi sur le prix unique du livre) ! Alors ? autant acheter vos livres dans la librairie de votre quartier. Votre libraire qui lit beaucoup saura toujours vous conseiller de nouvelles lectures.

Ah oui, et dans votre bouquin y a une page de pub ! Pourquoi ?!

Parce que nous aimons l’argent ! Plus sérieusement, c’est justement pour renvoyer les lecteur·rices vers notre site internet et vers le Carnet artistique et pédagogique que tu es en train de lire. Ça marche donc la pub ! Malin, non ?

Bon, entrons dans le vif du sujet… En fait, comment on fait les livres ?

Alors tu vois cette bouteille de lait ?

Subitement, Pierre Banos se lève et se met à courir le long de la plage, les mains encombrées de tous ses téléphones portables qui se sont mis à sonner en même temps, il ne regarde pas devant lui, il donne des coups de pied dans l’écume et il rit en même temps.

Eh oui, il y a toujours un moment dans la production d’un livre où un acteur de la chaîne du livre passe la main à un autre. Pour parler concrètement de comment on fait un livre, posons la question à celle qui a « fait » Anatole et Alma.

Hello, Gaëlle ! J’essaie d’expliquer à des enfants entre le CM1 et la 6e comment on fait les livres. Est-ce que tu peux m’aider ?

Bonjour, Lucile ! Oui, bien sûr, avec plaisir ! Il existe plusieurs façons de faire des livres. Je vais te parler de celle que je pratique pour les livres de théâtre.
Tout d’abord, l’auteur ou l’autrice écrit une pièce de théâtre, en général sur son ordinateur. Puis il/elle l’envoie au directeur ou à la directrice de collection, qui décide de le publier. Ensuite, l’auteur ou l’autrice envoie son texte au coordinateur ou à la coordinatrice éditorial·e (à savoir moi !) qui va lui faire subir différentes étapes avec l’aide de plusieurs personnes, pour aboutir au livre imprimé. Toutes ces étapes se font grâce à des ordinateurs et du papier.
D’abord, la préparation de copie, qui vise à rendre le texte accessible aux lecteurs et aux lectrices : faut-il mettre une majuscule ici ? du gras là ? que va-t-on mettre sur les premières et dernières pages… ? En parallèle, la préparation de la couverture : on choisit l’image, avec un·e photographe ou un illustrateur·rice, on écrit la présentation du texte qui apparaîtra en quatrième de couverture, pour donner envie de le lire et de le découvrir, on lui attribue un code unique, l’ISBN, qui permettra de l’identifier dans le monde entier.
Puis, la mise en page, avec un·e maquettiste ou un·e graphiste, qui permet de donner son aspect final aux pages intérieures et à la couverture. Ensuite, la correction, avec un correcteur ou une correctrice, qui va éliminer les fautes d’orthographe, de grammaire, de ponctuation. Enfin, l’impression, avec l’imprimeur, qui va transférer à l’aide de machines d’impression professionnelles parfois énormes le texte sur du papier, le relier en cahiers, et les assembler sous une couverture, à plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’exemplaires.
À chaque étape, l’auteur et le directeur de collection sont consultés et donnent leur accord pour que tout le monde se reconnaisse dans le livre final. Être éditeur, c’est réaliser un véritable travail de passeur, invisible mais essentiel, de l’auteur au lecteur.