éditions Théâtrales Jeunesse

Antigone sous le soleil de midi

de Suzanne Lebeau

Carnet artistique et pédagogique

Du singulier au pluriel ou inversement ?

Les élèves pourront se filmer avec leur téléphone portable (usage du téléphone autorisé dans le cadre pédagogique) pour une restitution collective de leurs essais et tâtonnements. On débutera cependant par un travail collectif de mise en voix à partir de plusieurs extraits du texte.

Consigne : mettre en voix plusieurs passages de la pièce prononcés par le Coryphée en utilisant différentes techniques. À la fin de l’exercice, échanger ses impressions, puis évaluer chacune de ces techniques pour analyser ce qu’elles apportent de particulier au texte et ce qu’elles modifient.

Extrait 1
Préambule
De quoi est-il question ?
(p. 7) :

J’aime cette Antigone.
Elle sait ce qu’elle veut
et ce qu’elle veut lui ressemble.

Ses envies,
ses désirs,
ses convictions,
ne viennent pas de ses amies,
ne viennent pas de ses ennemies,
ne viennent pas des rumeurs qui courent dans la ville,
des modes qui se succèdent autour d’elle.
Elles viennent d’une voix intérieure
Qu’elle a appris à écouter.
Extrait 2
Scène 2
Comment s’est-elle formée,
cette étrange famille ?
(p. 16) :

Ces noms vous sont étrangers.
C’est normal.
Ils viennent d’un pays et d’un temps lointains :
la Grèce d’il y a plus de deux mille ans.
Ces personnages sont morts.
La poussière de leurs os a disparu depuis longtemps,
mais leurs noms ont traversé les siècles,
fait le tour du monde pour se rendre jusqu’ici.
[…]
Ils sont chargés de débats passionnés,
De questions qui cherchent toujours des réponses.

Antigone et sa famille
Ont-ils encore quelque chose à nous dire
Aujourd’hui ?
[…]
À l’heure où d’un seul clic je peux,
vous le pouvez aussi,
faire apparaître
et disparaître Antigone et son histoire
dans le creux de la main ?

Vous seuls pourrez répondre à cette question.
Extrait 3
Scène 5
L’homme peut-il déjouer le destin ?
(p. 24) :
Sur une place publique,
sous le soleil implacable de midi
qui rendait plus forte encore l’odeur de la maladie,
un vieillard est apparu.
Triste et décharné, le dos courbé,
la barbe blanche, longue et sale de la poussière de la route.
Il avait cent ans.
Extrait 4
Scène 10
Comment faire d’une sépulture une hécatombe ?
(p. 46) :
Antigone est seule.
Seule avec une droiture
qu’elle n’essaie même pas de dompter.
Seule avec cette nature qui la condamne déjà.
Seule sous le soleil de midi implacable
qui éclaire sa route
comme le plus sage des guides.
Extrait 5
Epilogue
Et maintenant ?
(pp. 53 et 54) :
Ce sera la dernière question :
Qu’est-ce que gagner veut dire ?
Quand la vie
mouvante,
imprévisible,
provisoire,
peut nous être enlevée dans la seconde…
Quand notre destin peut changer au gré du vent…
Qu’est-ce que gagner veut dire ?
Exercice 1 : Les élèves se placent en cercle et vont dire les lignes de l’extrait n°1 sans aucune intention, d’une voix neutre. À chaque ligne, l’intervenant change : il est désigné par l’élève précédent qui lui lance un regard.

Cet exercice nécessite d’être concentré et attentif à l’autre.

Exercice 2 : On reprend le même extrait (n°1), toujours en cercle et toujours lu de façon neutre, mais cette fois-ci, c’est l’élève qui parle qui s’interrompt où il veut et qui désigne du regard l’élève qui prendra le relais. On obtiendra ainsi sur plusieurs tours différentes césures, différentes cassures de rythme qui empêcheront le texte de se figer.

Cet exercice nécessite une plus grande attention au le regard de l’autre mais aussi au texte pour réaliser de bons raccords.

Pour aider les élèves à se rendre compte des effets produits par les différents exercices proposés, des élèves peuvent être spectateurs/auditeurs pour un bilan commun.

Exercice 3 : Diviser la classe en trois parties. Deux groupes vont être face-à-face tandis que le troisième sera spectateur/auditeur. Le premier groupe d’acteurs/énonciateurs aura le texte des extraits n°1, n°3 et n°4 et le second groupe aura le texte des extraits n°2 et n°5.

Les deux groupes appliquent alternativement la consigne de l’exercice 2 sur leurs extraits.

Cet exercice permettra de rendre compte de l’énonciation et de la double énonciation théâtrale. Les élèves doivent repérer dans les extraits 1 et 2 que le Coryphée ne s’adresse pas au public de la même façon.

Exercice 4 : On reprend les extraits. Il faut superposer les voix et parler à l’unisson dans chaque groupe.

Il s’agit de montrer que le Coryphée est l’élément d’un chœur.
On peut demander à un des élèves de chaque groupe de mettre en relief un mot important de l’extrait : par un geste, une intonation…

Exercice 5 : Même forme que le premier. Un élève lit l’extrait et chacun reprend quand il le veut un segment de ce que le récitant dit. Cela doit provoquer des jeux d’échos infinis. Néanmoins le texte doit être audible. Il s’agira de moduler sa puissance de voix et de se glisser dans les blancs.

Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves que les jeux de voix sont déjà des approches de mises en scène. Ils devront choisir et argumenter pour les choix qu’ils auront faits dans les diverses versions et les divers essais de mises en voix. Ce bilan pourra aussi faire l’objet d’une trace écrite évaluée.

Du lire au dire et du dire au questionner

On rappellera aux élèves que la pièce est un ensemble de questionnements. Les titres de scène sont des questions. La Sphinx questionne Œdipe. Œdipe questionne l’oracle. Antigone questionne Créon. Créon questionne Antigone. Le Coryphée questionne le public, le monde moderne.
> Mise en abyme du questionnement, achèvement sur une question intime, posée à chacun d’entre nous

Exercice 6 : Chaque élève doit retenir les questions-titre d’une scène ainsi que la question finale de la pièce. En fonction du nombre d’élèves, une question peut être apprise plusieurs fois.

De quoi est-il question ? Pourquoi Œdipe a-t-il croisé la Sphinx ? Comment s’est-elle formée, cette étrange famille ? Pourquoi la peste s’est-elle abattue sur Thèbes ? L’amour, un remède à la peste ? L’homme peut-il déjouer le destin ? Toutes ces morts calmeront-elles le destin ? L’exil d’Œdipe apaisera-t-il la malédiction ? Qu’est-ce que gagner veut dire ?

Les élèves en cercle diront leurs questions les uns à la suite des autres
1. de façon neutre
2. sous forme interrogative
3. sous forme de réponse
> Il s’agit de prendre conscience de l’accent phrastique.

Puis on demandera aux élèves de dire leur question comme une litanie en bougeant dans l’espace. On aura donc des superpositions de questions, des questions répondant aux questions et ce pas forcément dans l’ordre des scènes.

On gardera la trace sonore, ou visuelle et sonore, de cet exercice comme matière pour la mise en scène.