éditions Théâtrales Jeunesse

Arsène et Coquelicot

de Sylvain Levey

Carnet artistique et pédagogique

Peut-être les enfants de cet âge sont-ils un peu jeunes pour apprécier le poème Barbara, de Jacques Prévert, d’où est extrait ce cri du cœur. Encore que, à la fin de l’étude d’Arsène et Coquelicot, l’écoute du texte chanté puisse faire écho. On demandera alors aux enfants d’exprimer la thématique commune : un amour séparé par la guerre, vu par un narrateur assistant à cette scène de pluie sur Brest (il pleut aussi le jour du départ d’Arsène et les soldats) qui joue le même rôle de passeur que Mirabelle et Hippolyte.

Et c’est au fond, de Barbara à Arsène et Coquelicot, la même démarche d’auteurs pacifistes. L’un et l’autre ont écrit des textes d’un engagement militant plus « pur et dur », plus direct.

Dans cette pièce, au contraire d’autres de Sylvain Levey, il n’y a pas de dénonciation de la guerre par le discours ou l’ironie. C’est un passage par le sensible, l’émotionnel : peindre le bonheur d’aimer et le brusque malheur d’un amour déchiré dont la guerre est la cause.

Un procédé majeur : le contraste.

Tableau II et III

  • Choc du contraste par la succession immédiate de deux tableaux construits pareil (Tableaux II et III : longue intervention d’un chœur puis bref gros plan sur ceux qui s’aiment) (voir parties II et III)
  • Contraste entre la dureté de la guerre, décrite par Arsène p. 31/32, rendue sensible par l’écriture en liste et l’anaphore (effet d’accumulation et de dramatisation), et dans ces mêmes pages, entre les bonheurs passés de l’enfance partagée, dans la bouche de Coquelicot ; entre les jeux à la guerre et sa réalité. Même bonheur gâché que dans les tableaux II et III.
  • Contraste « inversé » entre cette accumulation des malheurs de la guerre et, après le cessez-le-feu, l’accumulation des rêves de bonheur d’Arsène (Tableau VI p 36).

Les travaux oraux et écrits présentés par ailleurs sur ces Tableaux II et III amèneront à cette prise de conscience du contraste.

On pourra faire sentir cette volonté de chanter le bonheur, plutôt que la fin des malheurs, en proposant aux enfants d’énoncer eux les soulagements : « Finie la peur… finis le froid, la faim… finies la saleté, la boue… »

Tableau VII

  • Après l’évocation forte des ruines, des villes martyres, reprise en main de la vie par ce chœur d’enfants et la vivacité des répliques : « Coquelicot est partie par là. - Ou peut-être par là – Ou bien par ici » repris plus loin. Après l’immobilité sombre du début de scène, des enfants s’égaillent.

Il faut que la vie triomphe ! À défaut, lorsque « cette grande loterie qu’est la vie » n’a pas permis que ceux qui s’aiment se retrouvent, Sylvain Levey, coûte que coûte, la rattrape par le retour de la fantaisie, faisant en sorte que la pluie laisse passer des rayons de soleil : Arsène et Coquelicot habitent au 26 et 62 de la Rue-Monte-à-regret, « La rue qui monte au cimetière ». Toujours ce jeu avec les chiffres et cet humour un peu jaune aussitôt transformé en humour tout de bon par Arsène : « Ça fera moins de route le jour de mon enterrement » (p. 41). Peu importe la vraisemblance, il faut que la fantaisie l’emporte.

Et si la « grande loterie » n’a pas rapproché Arsène et Coquelicot, elle rapproche leurs descendants. Comme par hasard Mirabelle et Hippolyte sont dans la même classe, tombent amoureux, prennent le relais, rattrapent la vie d’Arsène et Coquelicot. Sylvain Levey veut croire que, ces deux-là qui sont faits pour s’aimer, seront heureux. À condition que…

Parenthèse sur cette toute fin : petit échange philosophique sur les dernières répliques : qu’avait donc à dire Hippolyte à Mirabelle, qu’il ne lui dit pas ? Pourquoi ne le dit-il pas ?

On pourrait lire aux enfants les mêmes mots de Sylvain Levey à son père dans la postface de Costa le Rouge : « Papa si je te dis on n’est pas d’accord sur tout, mais je t’aime, tu dis quoi ? - Non, ne dis rien ».

Jolie discussion à avoir avec des enfants, peut-être trop habitués à voir des images où les sentiments, les « je t’aime » s’étalent à tout va.

Sur cette double tonalité, on pourrait commenter le choix du prénom de Coquelicot (pas Marguerite) : sonorité amusante, fleur des champs dont on faisait des bouquets devenus bouquets patriotiques, associés au bleuet et à la marguerite. Porté symbolique de la couleur rouge : rouge de l’amour, rouge du sang du soldat blessé (voir chanson Comme un petit coquelicot de Mouloudji).

Étude de la langue : l’anaphore

Nous avons mis en évidence des procédés d’écriture qui créent une fantaisie, parfois pirouettes qui sauvent du malheur. Mais ce goût du bonheur ne doit pas cacher l’émotion triste qui parcourt le texte, exprimée tout au long, par l’anaphore. (voir partie II-B)

On peut ensuite faire quelques propositions d’exercices :

  • Oral : apprentissage en vue de le dire aux camarades, pas de le réciter ! Le monologue de Coquelicot p. 30 et regroupement des répliques d’Arsène p. 31 « j’ai cru… » et les deux de la p. 32.
  • Écrire pour émouvoir : à la manière de, par reprise de la construction du monologue d’Arsène p. 36 : il y a longtemps que tu n’as pas vu la campagne, la mer, la ville, un grand-père, une grand-mère, ton (ta) meilleur(e) ami(e), ton chien, etc. Il ou elle t’a beaucoup manqué. Énonce, à la manière de Sylvain Levey p. 36, à l’aide d’anaphores, les rêves que tu fais en attendant de les retrouver.