éditions Théâtrales Jeunesse

Costa le Rouge

de Sylvain Levey

Carnet artistique et pédagogique

Enfin cette pièce nous dit aussi à travers les figures du grand-père et de Costa le plaisir d’inventer des histoires.
Dans la scène 11, Costa dit : « Raconte-moi des histoires papé. Raconte-moi encore des histoires. Fais-moi rire. Fais-moi peur. Fais-moi trembler. Fais-moi pleurer s’il le faut. »

Les monologues de la pièce, sous la poussée du flux verbal, sont propices à l’invention d’une genèse imaginaire qui va de la création du monde à nos jours.
Le papé commence cette histoire dans les scènes 7 et 9. Puis l’histoire continue à deux voix dans les scènes 10 et 11, où Costa assaille son grand-père de questions, dans une sorte d’urgence à savoir, comme si Costa pressentait déjà la disparition de son grand-père :

Papé ?
Papé dis vite !
Papé ?
Savoir
C’est
Important
Faut que je sache.
Fais pas
Papé
Fais pas celui qui sait pas
Qui veut pas dire fais pas papé

Puis lorsque le grand-père a disparu aux yeux de Costa, c’est Costa qui prend le relais du conteur dans les scènes 16, 18, 20 jusqu’à la révolution finale de la scène 25.
Les monologues apparaissent ici tantôt comme une poussée de la langue, tantôt comme un souffle fortement lié au corps. Tous sont tissés dans l’écriture de jeux phoniques et rythmiques qui ajoutent au sens une force poétique.

La scène 10 commence comme une chanson à deux voix où Costa et Papé se répondent, écrivant finalement un texte unique, commun à l’un et à l’autre.
Puis le papé prend la parole plus longuement. Son histoire commence comme une histoire enfantine. Les phrases, d’abord simples, deviennent de plus en plus longues à mesure que le papé y ajoute des éléments. L’histoire se poursuit comme un conte, mais un conte qui va dévier progressivement par l’irruption d’éléments insolites, comme par exemple l’homme à la faucille et au marteau, les serpents qui ont des pommes de terre dans leur besace, l’homme qui arrive du Caucase. Le papé raconte de « fausses vraies histoires » et Costa aime ces histoires que le Papé invente « le sourire aux lèvres et les yeux pleins de malice que comme si tu avais mon âge exactement ».

Il serait intéressant que les élèves classent dans le récit du Papé les phrases, les mots, les personnages qui leur évoquent des récits connus (le conte du « roi-grenouille », la Bible, les comptines, etc.) et les éléments du récit qui leur paraissent plus insolites ou incongrus (Eve qui devient Elena Ivanovna Popova et Adam que l’on appelle Davidovitch, le Caucase…).

Les élèves peuvent aussi à travers un exercice d’écriture ou un « brainstorming » collectif essayer de répondre à la question que se pose Costa au début de la scène 11 « Il va faire quoi Davidovich ? », ce qui permettra d’anticiper le récit de Costa à la scène 18.

Dans la scène 18, Costa bascule en une phrase, « Alors tout le monde joue au football » de la genèse à une histoire de la vie quotidienne dans le monde actuel, dont J.-C. est le héros. Comme Sylvain Levey lui-même, et comme un personnage déjà rencontré dans Instantanés (Quelques autres pages du journal de la middle class occidentale), Court au théâtre 1, Théâtrales jeunesse, J.-C. aime le football.

Dans la scène 19, Costa évoque en vrac les grands personnages et les grands évènements qui ont marqué les siècles de la création du monde à nos jours. Cette énumération est très subjective, mais là aussi on peut demander aux élèves d’opérer un tri :

  • événements et personnages connus d’eux / ou inconnus ;
  • trouver un principe de tri selon des dénominateurs communs entre les événements et les hommes évoqués dans cette séquence.

La scène 25 fonctionne comme la parole du jaillissement, du cri, de l’angoisse aussi, qui précède le moment de l’enterrement de Papé. Costa s’invente une destinée digne de l’héritage de son grand-père. Dans une utopie grandiose portée par le souffle haletant de l’écriture, Costa se projette dans la peau d’un héros révolutionnaire rassembleur et victorieux. Il conjure la mort de son grand-père par l’incarnation de ses idéaux de justice sociale et politique. Mais l’humour de Sylvain Levey n’a rien à envier à la malice du grand-père : il y aura « des cornichons pour tout le monde ».

Ce « cheminement à l’intérieur du texte » montre la richesse, la complexité et la variété de l’écriture de Sylvain Levey. Une étude exhaustive du texte ne s’impose pas, il s’agit plutôt d’une promenade à la découverte de certains aspects du texte.
L’entrée par la mise en voix de certaines scènes peut concrétiser le plaisir de cette découverte.