éditions Théâtrales Jeunesse

Gaby et les garçons

de Adrien Cornaggia

Carnet artistique et pédagogique

Adrien Cornaggia explore certains éléments de mise en page pour communiquer des informations de jeu textuel dans Gaby et les garçons. Cela se voit principalement dans des changements de police de caractères, notamment pour signifier le dédoublement des personnages. Dans l’extrait mentionné dans la partie précédente, il est possible de remarquer l’usage d’une police plus fine pour le texte représentant le film que Gaby se fait dans sa tête. On distingue donc les rêveries des moments, qui ne font pas partie de son imagination, qui sont la réalité. Le jeu métathéâtral se produit lorsque Gaby, Cédric et Clovis incarnent sur scène d’autres personnages, c’est-à-dire, respectivement Hermione, le Barman et Bruce. Voyons un autre extrait (p. 10) qui illustre également cette transition.

"BRUCE. – Je fais que discuter ! En plus on picole plus ou moins pour la même raison, hein ma belle ?
HERMIONE. – Ah bon ? Et quoi alors ?
Bruce, ému comme peut l’être un imbibé, regarde vers les bouteilles trônant tout en haut du présentoir.
BRUCE. – La solitude !
Soudain, un coup de vent violent ouvre la porte d’entrée qui claque comme un tonnerre.
Fin du film.
La musique sirupeuse s’étiole à mesure que le sommeil assomme Gaby."

Les dialogues et les didascalies du « film » se présentent donc dans une police de caractères plus fine que le reste du texte. Cela marque le moment où Gaby ne joue plus Hermione dans son imagination sur scène, mais elle redevient Gaby, par exemple. Il faut aussi noter que les didascalies ne se limitent pas à donner des indications de scène ; elles contribuent aussi à la fiction, faisant appel à l’imaginaire des lecteurs.

Un jeu textuel similaire se produit à la séquence « Love story ». Dans l’extrait ci-dessous (p. 21), la police de caractères est en gras lorsque Gaby et Clovis jouent les rôles de parents de celui-ci :

"Clovis s’imprègne de l’homme en colère.
GABY.– (faisant la maman de Clovis) Chéri ?
CLOVIS.– Attends attends
Elle l’appelle pas comme ça en général
Pas de surnoms ou de petits noms
Juste son prénom quand ils sont fâchés
GABY.– Comment il s’appelle ton père ?
CLOVIS.– Louison
GABY.– Sérieusement ?
CLOVIS.– Pourquoi sérieusement ?
GABY.– Louison ?
CLOVIS.– Oui
GABY.– Clovis
CLOVIS.– mon père s’appelle Louison
GABY.– (reprenant le jeu) Louison ?
CLOVIS.– (faisant son propre père) Mmmm ?
GABY.– Tu fais quoi ?
CLOVIS.– Mmmm mmm m"

Cette séquence est une scène inventée d’amour entre les parents de Clovis, dans laquelle Gaby embrasse le garçon à la fin. L’intéressant ici est le changement visuel du texte pour signifier le dédoublement des personnages : lorsqu’ils incarnent d’autres personnages sur scène, le texte est en gras, lorsqu’il s’agit d’eux-mêmes, le texte est « normal ». La métathéâtralité se fait aussi évidente quand les enfants commentent leur propre représentation : à un moment, Clovis dirige la scène en apprenant à Gaby comment sa mère appelle son père quand ils sont fâchés, pour que ce soit plus vraisemblable. Plus loin, Clovis commentera également leur performance de représentation : « On est des professionnels du cinéma ou on l’est pas Gaby » (p. 24).

Le but dans cette partie est donc de noter comment l’aspect visuel (voir matériel) du texte peut contribuer au plan fictionnel et sa mise en jeu. Il est important de comprendre ces codes pour pouvoir jouer avec dans une lecture ou sur scène. Il y a probablement des éléments qui sont évidents, pourtant pertinents à évoquer car ils doivent être pris en compte dans le travail avec le texte.