éditions Théâtrales Jeunesse

Kesta

de Manon Ona

Carnet artistique et pédagogique

Le théâtre est un langage verbal et non-verbal. Le travail sur Kesta permet de distinguer plusieurs axes de travail :

Le regard : on notera l’omniprésence du thème dès le premier fragment avec les multiples occurrences des verbes « regarder » (6 fois) et « voir » (2 fois), des références à « l’œil » ou aux « yeux » (mentionnés 8 fois). Dans un lieu obscur où on ne s’arrête pas, deux invisibles se rencontrent et se voient. L’enfant met beaucoup de temps à accepter le regard sur lui.

« Kesta.- Est-ce que moi je plante mon œil dans ton œil » (p. 27)

L’Homme est celui qui observe :
« L’Homme sans années.- Toi et ta bouille toute fermée Je commence à vous cerner » ( p.40)

Il est aussi peut-être celui qui a peint les visages du tunnel ou en tout cas qui peut les identifier :

« C. qui a raté la navette.– J’ai réfléchi vous savez Je me suis dit Cet homme qui reste là dans un passage souterrain où personne ne passe J’ai réfléchi et j’ai trouvé Ça a un rapport avec ces visages Obligé Avec l’un de ces visages
L’Homme sans années.– Tu es pressée Il faut y aller
C. qui a raté la navette.– Alors je me suis renseignée Ces visages sont des portraits Je veux dire des portraits de vrais gens Des gens qui ont existé Alors l’un d’eux peut-être Mais vous ne direz rien » (p. 44)

Consigne donnée aux élèves : Entrer au plateau, s’asseoir sur une chaise face public, attendre, sortir.

Cet exercice pose simplement la problématique d’assumer le regard sur soi.
La parole empêchée est un autre axe fort de la pièce.

« L’Homme sans année.- Mais tu as décidé de ne rien dire Le mur du silence je vois bien Un mur de plus » (p.43)

« Kesta.-Moi sans toi je suis comme un mur Pas de mots » (p.30)

Exercices d’improvisation possibles : par exemple, celui où l’élève doit délivrer une information importante (un danger, un succès, un départ imminent…) avec seulement trois mots donnés (il a droit au mime, au gromelot…) ou exercice où la situation est improvisée par les deux acteurs mais ils ne doivent prononcer qu’une phrase donnée à l’avance.

À consulter : Le Livre des exercices de Patrick Pezin (éditions l’Entretemps, 2002)

Ces exercices mettent en jeu le corps, les élèves prennent conscience que la parole n’est qu’une partie de la communication.

L’exclusion / l’échange est enfin une troisième piste à travailler : on sera attentif tout d’abord à la mise en réseau : dire / entendre, s’entendre

« Kesta : […] il y a des gosses le matin et le soir qui traversent la friche et avec qui on peut s’entendre » (p. 50)

Cette réplique à la fin de la pièce fait écho au récit morcelé d’une exclusion très précoce : l’enfant a reçu une « étiquette » psycho-sociale, il « dysfonctionne », comme il l’écrit peut - être lui-même aussi sur les murs (fragment 2) Ce rejet par l’institution scolaire va de pair avec le racisme qui l’accueille à huit ans :

« Kesta.- […] J’entends mon nom J’entends le nom des miens dans leurs bouches vos bouches Et quand il sort le nom des miens il sert d’insulte » (p. 49)

Cette confession est la parole retardée de la pièce, deux longues répliques où l’enfant-cailloux s’ouvre.

Consignes données aux élèves :
a) Au début du fragment 5, plusieurs élèves jouent Kesta et un seul joue C . qui a raté la navette puis on inverse. Le rapport individu / collectif fait surgir la violence et le rejet dans les deux situations.
b) Imaginez ce qu’a écrit C. qui prend la navette sur le mur
c) Travail d’improvisation muet sur la rencontre, puis à l’aide d’un mot chacun.