éditions Théâtrales Jeunesse

Kesta

de Manon Ona

Carnet artistique et pédagogique

Environnement artistique

Quelle musique écoutiez-vous au moment d’écrire le texte ? Ou bien travaillez-vous dans le silence ?

Je n’écoute jamais de musique en écrivant. Je fais le silence autour de moi, la seule musique qui tienne devant être celle des mots. D’autant que j’ai tendance à écrire à voix haute, c’est-à-dire qu’une réplique écrite est aussitôt relue avec différents tons pour vérifier son rythme, qui reste l’un de mes principaux critères d’ajustement de l’écriture.

Quels sont vos peintres/plasticiens, des œuvres plastiques/tableaux préférés ?

Les artistes du XIXe et du début du XXe siècle, dont les Expressionnistes et les Surréalistes, me fascinent particulièrement, ces derniers parce qu’ils marquent le grand virage psychanalytique. Je suis plus émue par un corps torturé de Schiele, un enchevêtrement de Grosz, ou encore par les tableaux à clefs de Dali et de Frida Kahlo, que par les œuvres nodales du passé, les grandes périodes classique et baroque notamment, dont la majesté ne m’atteint guère, mais je suppose que c’est là un manque de connaissances en la matière. On finit toujours par aimer ce que l’on étudie, me semble-t-il. Parmi nos contemporains, la démarche de Banksy et la célébrité qu’il a acquise sont une véritable source de d’interrogations, pour ce qui regarde la position de l’artiste dans le monde, et la question très complexe de l’engagement.

Quelles sont vos références théâtrales : auteurs, mises en scène… ?

Question très difficile n°1 !… Je suis critique de théâtre depuis 8-9 ans, et c’est l’ouverture du goût à de multiples esthétiques qui est en jeu dans cette activité… j’ai toujours refusé de m’enfermer.

Quel est votre univers littéraire et cinématographique ?

Question très difficile n°2 !… Je suis enseignante de lettres également, donc pour ce qui est des lectures, il y a déjà tout le patrimoine (de l’antiquité aux années 80, disons) qui m’importe beaucoup car il m’a construite et auquel on ajoutera les grandes dystopies du XXe, certains coups de cœur contemporains bien sûr et un amour particulier pour la poésie.
Côté musique, rien d’assez précis pour relever d’un goût clairement défini. Côté films, hélas… j’en aime tant, et de tant de styles ! En ce moment, j’alterne entre les films des grands Italiens et les épisodes de Game of Thrones, c’est dire ! Bref, là encore je botte en touche.

Les élèves qui ont travaillé Kesta sont spontanément allés vers ce qu’on appelle « les cultures urbaines » (graffitis, slam, rap, hip-hop). Quelle place a cette culture dans la pièce ?

Je n’ai pas du tout pensé à l’univers du hip-hop en écrivant, tout simplement parce que le personnage n’est pas dans la construction ni l’ostentation du discours, il est dans la difficulté de communication (j’entends par là le refus ou la réserve, pas l’incapacité). Je voulais travailler la langue dans l’idée d’une expression symptomatique, pas une expression « qui fasse comme » ; si ça semble rejoindre le rap, ça se joue au-delà du moment de l’écriture, dans le vécu du lecteur et ses propres projections culturelles, sans doute parce que le rap relève aussi d’une pratique symptomatique de la langue, et que dans le cas du rap comme dans le cas de mon univers urbain, il y a une volonté d’intégrer le principe de dissidence.

Quelle place pour le corps et la danse ?

Je vois la scène comme pluridisciplinaire ; la distinction entre le mouvement théâtral et le mouvement chorégraphique gagne à être ténue, floue.

Environnement d’écriture

L’endroit où vous écrivez en général ?

Je n’ai pas de fétichisme en matière de lieu. Il suffit d’une prise électrique et d’un espace qui ne soit pas parasité par du bruit.

L’endroit où vous avez écrit ce texte précis ?

J’habitais alors une minuscule maison de 40m2, et dans l’absence de bureau, Kesta a été écrite depuis le canapé, sur mon petit ordinateur portable.

Sur quel support écrivez-vous ?

Si des idées viennent alors que je ne suis pas devant un ordinateur, je les écris rapidement sur le premier bout de papier venu. Ce n’était pas le cas pour Kesta, dont j’ai testé la prise de parole directement sur un fichier texte, mais la pièce que j’écris en ce moment, par exemple, a commencé sur tous les angles blancs d’un de ces journaux gratuits qui envahissent les rames de métro.

Le moment de la journée où vous écrivez ?

Quand j’ai le temps… ! Je raisonne davantage à l’échelle annuelle, en bloquant des périodes où je peux me rendre particulièrement disponible pour l’écriture, et d’autres, où je suis surtout dans la relecture, l’ajustement, la mise à plat de nouvelles idées.

Gardez-vous des brouillons, les traces des différentes étapes d’écriture ?

Je ne conserve aucun brouillon, mes textes sont d’irrémédiables palimpsestes. Parfois, les détours entrepris pour achever une pièce sont tels qu’ils n’ont plus rien à voir avec le résultat final, ils ressemblent à l’histoire d’autres pièces qui n’existeront jamais, alors à quoi bon ? Pour ce qui regarde Kesta, l’écriture en a été relativement linéaire : après qu’une première version a été arrêtée, la reprise a consisté à injecter davantage d’interaction entre le lieu et l’enfant, en somme à faire vivre cette dramaturgie de l’espace qui m’intéresse tant. Les coups de pied dans le mur par exemple, ou encore le jeu avec les boîtes de conserve. Je crois me rappeler que les graffitis n’ont également atteint les pages que durant cette seconde phase (ils étaient dans ma mémoire, mais quant à intégrer la pièce, c’est autre chose ; ils ne sont devenus un aspect essentiel du tunnel qu’après d’autres motifs premiers tels que le passage, le souterrain/sous-jacent et la dynamique obscurité/lumière.)