éditions Théâtrales Jeunesse

L’Entonnoir

de Jean Cagnard

Carnet artistique et pédagogique

« J’ai cette sensation précise de vouloir dire des choses, directement, de les gueuler ou de les chuchoter à l’oreille des gens, ce qui revient au même. Il y a urgence de ce côté. De transmettre. D’alerter. » J. C

On invitera les élèves à feuilleter le livre pour mettre en évidence l’importance des didascalies, qui constituent même à elles seules les deux premières et la dernière scène et la majeure partie d’autres (6, 12)
Dans l’ensemble du texte, la voix didascalique est débordante, elle a deux caractéristiques fortes :

  • essentiellement narrative, elle fait avancer l’action alors que le plus souvent, dans le texte théâtral, cette fonction est dévolue au dialogue. Elle assume même les actions les plus fortes (les pertes des parties du corps, symboliques des événements essentiels : perte d’emploi, perte du courage, perte de la raison, perte d’existence aux yeux des autres). Le seul dialogue à assumer l’avancée de l’action est la scène 5 (dont on a déjà dit le traitement différent avec sa part de réalisme) et autrement les 9, 13. Les autres sont plutôt descriptives.
  • elle est émaillée d’adresses qui installent, par l’humour et l’ironie, un dialogue entre l’auteur et le lecteur : une connivence visant la dénonciation d’un système qui détruit l’homme (ici au sens propre)

Après avoir fait l’inventaire des fonctions de la didascalie dans le genre théâtral, il s’agira d’amener les élèves à les retrouver et surtout à saisir les caractéristiques propres à L’Entonnoir ; à imaginer ce qui en découle pour la représentation, notamment dans le choix du type de jeu ou de marionnette.

Les scènes 1, 2 et didascalies de la 3 seront relues silencieusement.
Puis on procédera soit par la lecture à voix haute confiée à différents élèves, soit à l’écrit par un coloriage du texte : on distinguera les phrases qui racontent ce qui se passe, les actions ; celles qui indiquent au lecteur et décorateur le lieu et le moment de l’action ; toutes les autres seront laissées en suspens ou sans coloriage.
On analysera ces dernières qui n’ont pas ni fonction fictionnelle ni fonction scénique.
La plus évidente sera sans doute la parenthèse de la page 8, et son « n’est-ce pas… » qui exprime clairement l’adresse au lecteur et que l’on pourra rapprocher de la voix de l’auteur mise en évidence dans la liste des personnages. On fera alors énoncer les autres phrases concernées « L’endroit n’est-il pas parfait pour une petite halte ? »
« quelle ramure délicate et majestueuse ! » « que lui raconte le monde ? », elles plus complexes : réflexions de l’auteur au lecteur ou pensées de Précair au discours indirect libre ou les deux ? En tout cas, elles sont exprimées de telle manière qu’elles s’adressent au seul lecteur et sont porteuses d’humour. Il en aurait été autrement si l’auteur avait écrit : « l’endroit semble parfait pour une petite halte » « … sous un autre arbre à la ramure délicate et majestueuse » « il se demande ce qui se passe ». Quant à la parenthèse, Jean Cagnard semble lui faire dire : « ah ! ah ! je t’ai bien eu, lecteur, tu t’attendais à ce que je fasse tomber à nouveau une branche ? Raté ! » attirant du coup l’attention sur l’événement totalement insolite, cette fois : la chute du bras.
Dans le cadre de « l’observation raisonnée de la langue », on ne manquera pas d’en profiter pour faire remarquer, à l’aide d’autres exemples à trouver dans tout le texte, l’expressivité de la phrase interrogative et exclamative, les marques grammaticales de l’adresse « nous », « vous », « on », qui font entrer le lecteur dans l’histoire et lui font partager le point de vue engagé de l’auteur.

Remarque : au-delà de cette analyse formelle, on n’omettra pas bien sûr d’évoquer ce qui renforce l’insolite et l’humour : l’étonnement de Précair alors que la logique voudrait qu’il ait peur. On fera relever les autres traits d’humour : « bon Dieu, ça fait du bien ! » (par la surprise du niveau de langue) « une grosse branche se complaît dans une position fragile. » (par la personnification) « il croit à un animal inconnu ».

Les élèves auront désormais les clés pour poursuivre la lecture.
Le moment sera venu de ménager un entracte de découverte de photos ou vidéos de théâtre de marionnettes ou d’objets. Pour ouvrir l’imaginaire, avant de poursuivre la lecture de la 2ème partie et mesurer si les hypothèses émises sur la suite se vérifient. (voir Ressources)
Comme avant de lire la 3ème partie, un détour par la lecture d’un article de presse sur les hôtels insalubres et les marchands de sommeil sera riche pédagogiquement et facilitera la compréhension des dernières scènes. On pourrait ajouter celle de l’album Dans la rue évoquant l’action du Samu social. (voir Ressources)
On essaiera de varier les modalités de lecture en fonction des scènes. Sans doute sera-t-il préférable que l’enseignant lise la scène. 7 pour faire passer humour noir et satire d’un milieu que les élèves ne connaissent pas.
À la fin de la lecture, on reviendra sur l’interprétation du titre, l’absence de -e- à Précair, l’association Précair et le héros.