éditions Théâtrales Jeunesse

L’Entonnoir

de Jean Cagnard

Carnet artistique et pédagogique

Cette scène, au-delà de son intérêt pour une lecture chorale, amènera les élèves, au cœur du propos de Jean Cagnard.

Dans la 1ère partie, Précair était la victime innocente et incrédule d’une 1ère perte (bras / travail), en entraînant une 2ème, celle de sa femme. Il était aidé par Homme sympathique et encore debout. Dans la 2ème partie, bien que très atteint, seul contre tous, il lutte contre ses bourreaux, les responsables ou complices : la société qui lui refuse un boulot, l’exploiteur (le capitaliste ?) qui regarde ça et s’en frotte les mains (scène. 6), les nantis indifférents à sa situation de chômeur, pour qui il n’a pas plus d’existence qu’une plante (scène. 7), la police qui le chasse de la rue (scène. 9). Il termine assis sur un banc puis privé de tête. Dans la 3ème partie, Précair ne lutte plus, il est à terre, allongé, a même perdu la parole. Ses derniers mots : « (halluciné) Bonjour… » « Mon nom ?...Qu’est-ce que c’est ? » il n’existe plus : devenu un chien, il aboie. Mais la lutte est en quelque sorte reprise par Un, Deux, Trois, - Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… - et de quelle manière ! par le pouvoir de la parole justement et l’arme de l’humour vengeur, provoquant un rire de connivence contre. Les clochards de Paris (est-ce aussi vrai des SDF de partout aujourd’hui ?) avaient cette faconde et ce goût pour l’humour dénonciateur, dans leurs interpellations des passants. Les films des années 30 et 50 et les poèmes de Prévert leur ont donné dignité et imagerie « anarcho révolutionnaire ». Dans cette 3ème partie, l’humour, qui naissait auparavant du visuel – le corps de Précair démantibulé – ou était porté par la voix didascalique de l’auteur, est maintenant pris en charge par les précaires eux-mêmes : l’humour léger, naïf, se fait au fil du texte de plus en plus grinçant et dans cette dernière partie, dénonciateur.
Cette force de la parole et de l’humour est au cœur de la scène 13. Non seulement, elle dénonce les conditions de logement que leur « offre » Gros Mec, mais elle oppose une dignité lucide aux répliques mielleuses de Gros Mec. Par l’écriture elle-même. Jean Cagnard se sert là de l’accumulation / variation des questions rhétoriques et du « décollage » partant du quotidien pour aller au joyeux délire poétique, comme autant de coups de poings – pour autant ceux-ci ne font pas fléchir gros Mec : cause toujours tu m’intéresses… - Il introduit un poème, allégorie de l’ensemble de l’histoire, comme valeur d’échange à la place de l’argent ! Payer en monnaie de… poèmes ! Comme aurait dit Albert Jacquart, ces hommes-là, qui n’ont rien, portent en eux une richesse humaine (leur créativité) qui a plus de valeur que la richesse de l’argent.
Force de la parole donc, qui ne devra pas occulter le silence terrible de Précair, à rendre « audible » au spectateur, autant que l’humour noir de ses « Whaf ! ».

Écriture : imaginer un court poème pour payer l’achat d’un beefsteak, d’un paquet de bonbons ou d’une voiture etc. en monnaie poétique.

On aura fait le point de toutes les pertes de Précair et leur signification symbolique par rapport à sa chute progressive et inexorable, dont la numérotation suivie des scènes par-delà le découpage en trois parties est l’expression. On aura préalablement découvert à travers la presse le phénomène des marchands de sommeil.

La mise en voix de la scène permettra de faire émerger la puissance d’agression des phrases interrogatives accumulées, comme celle en retour des apostrophes mielleuses et tranquilles de Gros Mec (on notera le contraste entre l’appellation familière donnée par l’auteur et la langue ampoulée de ses répliques). Elle mettra aussi en évidence la signification de cette avant-dernière scène dans l’économie du texte (voir plus haut).

Pour la phase de recherche, on proposera à des groupes de 6, des consignes communes :

  • constituer des chœurs de Un Deux Trois, situés à cour (qui seront regroupés en chœur plus important, quand on passera à la mise en espace finale) et placer Gros Mec dans la diagonale, à l’avant-scène jardin.
  • pour la recherche, se contenter d’un vêtement au sol pour figurer Précair, l’élève qui lira les didascalies (celles entre parenthèses seront supprimées), dira les « whaf ! »
  • porter le texte, l’articuler en imaginant le public loin

Trois consignes différentes à répartir entre les groupes :

  • 1 la série de questions sera lue lentement (avec un temps entre chacune) et le poème sera adressé à Gros Mec mine de rien. Effet de ruse du chat qui approche doucement avant de donner son coup de griffe final (Gros mec fichu dehors)
  • 2 La série lue vite, enchaînée sans temps et le poème adressé à Précair. Effet de violence mais risque de mécanique : les coups de pattes pleuvent mais le chat s’épuise ?
  • 3 La série lue d’abord lentement avec temps puis de plus en plus vite, et poème adressé au public. Effet de menace puis de violence, dénonciation. Lorsqu’on aura fait le choix d’un parti pris de lecture, pour alléger le travail et que tous participent, on pourra séparer la classe en trois en gonflant les chœurs des trois SDF mais en s’en tenant à 1 lecteur pour Gros Mec, Précair allongé au sol au pied du chœur comme une part d’eux-mêmes, et pour les didascalies (rôle de meneur de jeu à valoriser ; ce serait une erreur que de le confier à un élève plus timide). Le texte sera réparti ainsi : du début à p. 51 « il faut s’acquitter » ; de la didascalie à p. 53 à « Temps » ; du poème à la fin.

Lorsqu’on aura fait le choix d’un parti pris de lecture entre des propositions, pour alléger le travail et que tous participent, on pourra séparer la classe en trois en gonflant les chœurs des trois SDF mais en s’en tenant à 1 lecteur pour Gros Mec, 1 pour Précair allongé au sol au pied du chœur comme une part d’eux-mêmes, et 1 pour les didascalies (rôle de meneur de jeu à valoriser ; ce serait une erreur que de le confier à un élève plus timide). Le texte sera réparti ainsi : du début à p. 51 « il faut s’acquitter » ; de la didascalie à p. 53 à « Temps » ; du poème à la fin.

On cherchera comment « glisser » d’un chœur à l’autre pour ne pas rompre la lecture : imaginer que le chœur suivant arrive du fond et « entre » au milieu du précédent pour passer devant, venant comme en renfort des SDF ?

Écriture : un adulte reproche à un(e) enfant de tout laisser en désordre, ne rien ranger, par une série de phrases interrogatives ; ou même consigne, avec un enfant qui s’adresse à son animal désobéissant. Dans les deux cas, comme Jean Cagnard, on mettra de l’humour et de la fantaisie.