éditions Théâtrales Jeunesse

L’Ogrelet

de Suzanne Lebeau

Carnet artistique et pédagogique

Pour permettre à tous les élèves de participer et assurer pour le spectateur fictif ou réel une compréhension sensible de L’Ogrelet, un équilibre devra être trouvé entre des passages joués à deux, à quatre, en chœur.

Scène 1

Du début à la dernière didascalie p. 11

On pourrait après questionnement des élèves, décider que tous entreront sur scène mais que seuls deux duos s’en détacheront pour interpréter la scène jusqu’à la réplique de la mère : « Bonne journée, mon Ogrelet ». On déterminera à quelle réplique changer de duo pour que le spectateur suive la continuité et que l’écriture du texte dans sa matière même et/ou dans son sens soit respectée. La réplique de l’Ogrelet, « Oui, maman », boucle un premier mouvement : la répétition de choses déjà enseignées, ce que l’auteur confirme avec le geste de la mère : « lui tendant son sac d’école ».

On pourra ainsi montrer qu’au théâtre une action, indiquée ou non par une didascalie, rythme une scène : ce geste n’est pas pour la mère un simple geste banal, il est porteur pour elle de sa volonté de le voir grandir mais aussi de ses craintes ; il est la première marche vers la séparation de ceux qui n’ont jamais vécu que tous les deux, isolés du monde et unis. Alors on cherchera en jeu comment faire ce geste pour qu’il prenne toute son importance.

Ce geste pourrait être aussi le « signe » d’un relais d’acteurs, les deux duos jouant cette didascalie (le deuxième duo ayant été déjà constitué en arrière plan). D’autres techniques de relais : partage ou répétition de la réplique de la mère ; simple apparition du deuxième duo placé en fond de scène dans l’alignement du premier et disparition dans une sorte de fondu enchaîné ; passage de l’un à l’autre d’un élément de costume ou d’un accessoire, dans un temps entre jeu et hors-jeu.

Et le reste des élèves ? Ils seront à vue en regard, partageant le travail de leurs camarades en jeu, attentifs à la part d’histoire qu’ils sont en train de raconter. On choisira avec les élèves ce qui conviendra le mieux : élèves regardant assis en arc de cercle par duo côte à côte, ou mères d’un côté et ogrelets de l’autre ; assis ou debout alignés, les mères à jardin, les Ogrelets à cour, ou inversement ; groupés en chœurs de mères et d’Ogrelets d’où se détacheront quand nécessaire les acteurs.

Ces points réglés, il s’agira ensuite de travailler l’interprétation des deux ou quatre acteurs : pour les aider, on pourra rappeler les qualités techniques découvertes (voir oralisation) pour que le texte prenne toute sa résonance pour les spectateurs puis, juste avant la mise en jeu, la situation telle qu’apparue dans le résumé, les idées, sentiments à exprimer dans le morceau à jouer. Il serait sans doute préférable d’inviter les deux duos à explorer la scène, tout seuls, avant de venir montrer ce qu’ils proposent, et que l’enseignant et le collectif à l’œuvre, comme premiers spectateurs, fassent des propositions pour améliorer le travail proposé.

Celui qui a une idée sera invité, non pas à la dire mais à aller la jouer. Une fois les choix arrêtés parmi toutes ces propositions, on fera reprendre ce passage par l’un des duos pour mesurer le chemin parcouru.

Outre la justesse du jeu (à hauteur d’élève), on recherchera des placements et/ou gestes signifiants plutôt que simplement réalistes, en précisant aux élèves qu’il n’y a pas de gros plans au théâtre. Ainsi, pourquoi ne pas essayer de faire jouer ce dialogue dos contre dos, tête tournée vers l’autre, au début de la scène, lorsqu’il s’agit de la récitation des recommandations apprises par cœur ; ou très loin l’un de l’autre, face à face, la main droite tendue vers l’autre et n’arriver à la proximité qu’à la deuxième partie avec le geste « initiatique » du passage du cartable de la mère à l’enfant, etc. Autres solutions à trouver par les élèves. Dans tous les cas, il faudrait éviter que ces choix de mise en jeu soient exécutés (comme des mécaniques) ; qu’ils soient au contraire « portés », intégrés dans l’interprétation des élèves acteurs.

On s’interrogera pour savoir si l’on doit dire ou non les sous-titres des scènes. Sans doute oui.
À ce stade, les acteurs répéteront encore livre à la main et ne le mémoriseront que lorsque le texte sera fixé dans sa mise en place, sa diction et la justesse de l’expression.

Deux dernières répliques

On pourrait répartir la parole entre les deux mères et deux Ogrelets, suivant, comme on l’a vu, ce qu’appelle la matière même du texte.

Le travail portera sur une véritable adresse aux spectateurs et sur la manière de dire les mots pour qu’ils fassent image.

Scène 2

On pourrait adopter un travail d’interprétation chorale, après une répartition appuyée sur le sens, qui déterminera aussi le nombre d’acteurs choristes. Les deux chœurs seront visuellement composés de tous les élèves, même si tous ne disent pas le texte.

Si l’on a choisi de placer les « regardants » assis ou debout en ligne ou arc de cercle, on ne négligera pas le lever et la formation des chœurs. Si on a choisi d’emblée le placement en chœur, on se contentera de les faire descendre un peu vers les spectateurs.

L’enchaînement se fera ainsi naturellement, les acteurs de la scène 1 réintégrant les chœurs ou par un relais plus marqué. On essayera la reprise, par le chœur des mères, du geste d’adieu de la main, à la toute fin de la scène 1 avant l’énoncé du sous-titre « Où l’Ogrelet découvre le rouge » ou à la fin de la réplique de la mère, étant entendu que l’on doit mettre en évidence l’ellipse qui existe entre la scène 1 et 2 et que l’on doit comprendre qu’ils se sont éloignés ne se voient plus ne s’entendent plus.

L’essentiel du travail d’interprétation portera sur la parole soliloquée, qui doit cependant se jouer, regard au public, et sur la qualité du relais de parole, par une suspension de la voix de celui qui la passe.

Scène 3

Axes principaux de travail :

  • Interprétation du non-dit de la mère, en exploitant les travaux d’écriture qui l’ont mis en évidence ; on pourra si nécessaire faire un détour par l’improvisation sur une situation parallèle.
  • La lettre : on fera prendre conscience de la nécessaire convention qui veut que la transmission de la lettre ne se fasse pas au rythme trop lent de son écriture et cherchera des solutions.

Scène 4

Cette scène forte nécessiterait d’être jouée par seulement deux duos d’acteurs en relais, un pour le premier dialogue, l’autre pour le deuxième. Le traitement des deux lettres peut faire l’objet d’une recherche très riche entre les deux actrices.

Pour assurer le rythme d’ensemble de cette scène longue, on procèdera par distinction de ces trois parties : montée de la tension dramatique avec en point culminant la fuite de Simon ; pause relative ; reprise de la tension puis apaisement.

On s’attachera à mettre en valeur le rythme dans le conflit pp. 27-28 et l’état de trouble de Simon pp. 31-32, la situation de domination inversée entre les deux parties dialoguées.

Il pourrait être intéressant de soumettre la distribution des deux duos à la classe.
Les acteurs en regard pourraient soutenir le trouble au retour de Simon, par l’apport discret de bruitages, souffles, respirations.