éditions Théâtrales Jeunesse

La Petite Danube

de Jean-Pierre Cannet

Carnet artistique et pédagogique

Arthur avant de s’incarner

Arthur est le point d’ancrage du texte et occupe plusieurs fonctions :

  • Seul « objet » présent sur scène dans son dénuement (imaginons, sa présence théâtrale forte), il a une double fonction symbolique : représenter à lui seul, les millions de victimes de la déportation et de l’extermination (« La mère : On dirait qu’il y a eu quelqu’un là-dedans, une espèce d’homme ! ») ; cristalliser la division morale et politique en deux camps : l’humaine compassion et la tentative d’Anna enfant pour le sauver ; la haine, la traque et les coups avant la chambre à gaz, des autres, adultes.
  • Une fonction dramatique : c’est autour de lui que se noue la seule tension du texte, il est le fil des séquences 2, 3, 4, et revient dans la 5.
  • Une fonction poétique : il incarne l’innocence et le caractère fantasque de l’enfance d’Anna « peut-être était-ce une espèce de clown ou de héros » puis son éveil à la sensualité (voir article Danube dans « Cheminer au cœur du texte »)

Arthur incarné

Dans cette séquence 3, Arthur chemise est d’abord caché de l’Interprète sur le ventre d’Anna qui fait semblant de jouer à la femme enceinte (l’enfant n’est plus une enfant, elle ne croit plus à ses jeux).
Celui-ci parti, dans la pénombre protectrice du bois qui surplombe le Danube fleuve des purs, le paysage se fait doux (allitération en s), donne des frissons et l’on dirait presque le début d’un amour : « moi qui frissonnais » « prends-moi si tu as froid » (pas : mets-moi si…) « je ne suis encore qu’une enfant… ». Et quand Arthur s’incarne « Et il n’y a plus eu que nous deux sous un ciel vide ». Bien sûr il y a la peur mais… « Je n’ai eu la force de rien… », « Il ne voulait pas me voler Arthur, pas de force », « j’ai compris que l’homme ne me ferait pas du mal, que ce serait autre chose que de faire du mal. Alors, je me suis déshabillée d’Arthur » (pas : j’ai ôté ou enlevé). Ce geste du don, de la protection, d’Arthur chemise à Anna puis d’Anna à Arthur « devenu quelqu’un », exprime d’abord le choix d’Anna et porte la part « fantasque » du texte, mais il est aussi l’échange amoureux. Aussitôt après, séquence 4, Anna dira parlant comme une jeune veuve de 14-18 « Il a fallu continuer sans Arthur. Grandir sans lui, faire semblant d’être encore une enfant ». La barbarie sous ses yeux lui a fait quitter l’enfance, la rencontre aussi. « Mon corps prenait la place de mes rêves. Je ne rêvais pas, je ne savais plus. Arthur s’élançait hors de mes draps… Mon Dieu le reverrais-je ? »