éditions Théâtrales Jeunesse

Le bruit des os qui craquent

de Suzanne Lebeau

Carnet artistique et pédagogique


Prix de la Belle Saison pour l’ensemble de l’œuvre de Suzanne Lebeau, 2016.
Prix de littérature dramatique des collégiens en Île-de-France Collidram, 2010.
Prix littéraire du Gouverneur général du Canada, catégorie théâtre, 2009.
Prix Sony Labou Tansi des lycéens, 2009.
Prix du public du bureau des lecteurs de la Comédie-Française, 2008.
Texte lauréat des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre, 2007.

Carnet pédagogique rédigé par Aude Biren, comédienne et formatrice en milieu scolaire et universitaire.

Carnet mis à jour en mars 2023.

Elikia est une enfant ordinaire qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain dans une guerre civile chaotique. Enlevée à sa famille, elle devient enfant soldat. Victime, elle est aussi bourreau dans une situation qui brouille les lois de l’éthique. Comment grandir quand les repères s’effacent devant une brutalité quotidienne sans espoir ? C’est le petit Joseph, le plus jeune du camp des rebelles, qui lui rappelle son humanité et lui donne le courage de briser la chaîne de la violence.

L’autrice

Née en 1948 au Québec, Suzanne Lebeau se destine d’abord à une carrière d’actrice. Mais après avoir fondé le Carrousel avec Gervais Gaudreault en 1975, elle délaisse peu à peu l’interprétation pour se consacrer exclusivement à l’écriture. Aujourd’hui, l’autrice a vingt-sept pièces originales, trois adaptations et plusieurs traductions à son actif et est reconnue internationalement comme l’un des chefs de file de la dramaturgie pour jeunes publics. Avec plus de cent trente productions répertoriées, elle compte parmi les auteurs québécois les plus joués sur tous les continents.

Puisant son inspiration à de multiples sources (contes, mondes imaginaires, histoires vraies, actualité, voyages), elle aborde sans aucune auto-censure les sujets les plus variés (l’éducation, les enfants soldats, l’inceste, la pédagogie, le handicap, les rapports Nord-Sud…), cherchant, par une écriture du sensible et du vrai, à provoquer chez le spectateur une prise de conscience.

Ses œuvres sont publiées de par le monde et traduites en seize langues : notamment Une lune entre deux maisons, la première pièce canadienne écrite spécifiquement pour la petite enfance, L’Ogrelet et Le bruit des os qui craquent, traduites respectivement en six, neuf et trois langues. En 2014 paraît Chaîne de montage, le premier texte qu’elle adresse spécifiquement au public adulte.

La contribution exceptionnelle de Suzanne Lebeau à l’épanouissement de la dramaturgie pour jeunes publics lui a valu de nombreux prix et distinctions, dont le prix littéraire du Gouverneur général 2009, catégorie théâtre, le prix des Journées de Lyon des auteurs de théâtre 2007, le prix du public du bureau des lecteurs de la Comédie-Française 2008, le prix Sony-Labou-Tansi des lycéens 2009, le prix Collidram 2010 pour Le bruit des os qui craquent, une pièce créée par le Carrousel et le Théâtre d’Aujourd’hui en 2009 et de nouveau portée à la scène par la Comédie-Française en 2010, le Prix du gouverneur général pour les arts du spectacle (réalisation artistique - théâtre) en 2016.

Dès 1998, l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française lui décerne le grade de chevalier de l’Ordre de la Pléiade pour l’ensemble de son œuvre et, en 2010, le gouvernement du Québec lui remet le prix Athanase-David, la plus prestigieuse récompense de carrière offerte à un écrivain québécois. En 2015, elle a reçu, avec Sylvain Levey, le premier Prix de la Belle Saison, attribué par le Centre National du Théâtre.

Extrait d’un article de Annie Quenet, « Suzanne Lebeau, l’humaine humanité », revue Griffon, mai-juin 2009.

Suzanne Lebeau est une conteuse d’histoire, conteuse dont on entend la voix derrière les mots. Des mots à la fois simples et riches, sonores et sensuels. La vie vibre sous sa phrase. Suzanne Lebeau revendique de parler aux enfants : des beautés de la vie, de l’amour entre les êtres et des cruautés du monde, des hommes, parfois. Quand on demande à Suzanne Lebeau qui dit aimer le récit, pourquoi elle n’écrit pas de romans, elle répond : « le théâtre est le seul art où l’on part de l’intime puis qui s’ouvre comme un entonnoir. L’intime rejoint un groupe qui s’en empare, ce groupe s’élargit à l’espace social du public et là il rejoint le plus intime du spectateur. Le roman va direct de l’intime à l’intime, le théâtre passe par un espace social et c’est ce que j’aime dans le théâtre.

Suzanne Lebeau n’hésite pas à formuler, même en direction des tout-petits (Une lune entre deux maisons, éditions Théâtrales, 2006) les questions les plus difficiles à aborder, qu’elles soient la résultante d’un contexte traumatique ou renvoient à la difficulté de cheminer dans l’existence. Son écriture est reconnaissable à quelques caractéristiques révélées par Marie Bernanoce dans À la découverte de cent et une pièces (éditions Théâtrales-CRDP de l’académie de Grenoble, 2006) : des « fables simples mais non simplistes », un « goût pour le jeu dans le jeu, avec effets de récit », une « langue claire et accessible mais non dénuée de poésie, du fait de son ancrage dans l’imaginaire enfantin ».

Son travail d’écriture repose sur un effort incessant de rencontres, d’échanges, d’accumulations de documents et d’informations qu’elle consigne dans divers cahiers de notes qui deviennent sa « nourriture ». Une « digestion » est alors nécessaire afin d’oublier le travail de recherche. Puis, « faire le vide » pour « laisser jaillir l’inconscient ou la mémoire qui s’est déposée en elle ». Ainsi, « laisser surgir l’écriture du silence » (Suzanne Lebeau, Itinéraires d’auteurs p. 51). D’après Yvon Perrier, coordinateur des communications au sein du Carrousel.

Le texte et le carnet

Les propositions de ce carnet s’adressent plus particulièrement à des élèves de cycle 4 et, en modifiant quelque peu les approches, à des lycéens. Toutefois un travail à partir d’extraits ou de fragments peut s’aménager pour des élèves en cycle 3 (par exemple en Éducation civique et morale, et en particulier pour les objets d’enseignement « Le fondement de la loi et les grandes déclarations des droits » et « Les libertés fondamentales ») pour un corpus ou un travail autour des droits de l’enfant ou du droit à l’éducation, par exemple. Les situations et activités proposées pour aborder ce texte trouveront particulièrement écho (par exemple pour le cycle 4) dans l’enseignement du Français et le travail de certains items des connaissances et compétences de la « Lecture et compréhension de l’écrit et de l’image », du « Langage oral », de la « Culture littéraire et artistique » ou de l’« Écriture ». De même dans le champ de l’Éducation morale et civique, de l’Histoire des arts ou en Éducation Physique et Sportive. Le bruit des os qui craquent peut se trouver au cœur d’Enseignements pratiques interdisciplinaires (thématiques « Culture et création artistiques » et « Information, communication, citoyenneté ») ou de tout autre projet ou croisement entre enseignements. On trouvera dans ce carnet des pistes, des amorces à réinventer et personnaliser que chacun inscrira au mieux dans son enseignement. Si le sujet de cette pièce est sensible, violent, il n’en reste pas moins à travers le personnage d’Elikia un témoignage fort sur l’humanité. « Est-ce que nous, les adultes, avons le droit de vous parler de ces réalités ? Dans tous les groupes, sans exception, j’ai reçu la même réponse : non seulement vous avez le droit mais vous en avez le devoir. » Ce témoignage de Suzanne Lebeau, faisant référence à ses travaux préalables à l’écriture de sa pièce avec des classes et leurs enseignants, nous encourage à faire confiance aux jeunes et à ne pas éluder leurs questionnements sur la mort, sur l’enrôlement, les droits humains, l’armement, etc.