éditions Théâtrales Jeunesse

Les hamsters n’existent pas

de Antonio Carmona

Carnet artistique et pédagogique

L’ensemble est une histoire…

En jouant à faire semblant qu’il croit à la fiction de son père, Baptiste n’agit pas autrement qu’en comédien. Mentir pour révéler, c’est un peu la mission du théâtre, qui passe par la fiction pour nous parler de la vraie vie.

Ce rapport à la fiction est mis en scène dès le début de la pièce. Le fait d’indiquer dans la distribution des personnages qu’il y a une narratrice affirme le fait qu’on va nous raconter une histoire – et donc quelque chose qui n’est pas vraiment la réalité.

La pièce commence d’ailleurs par une réplique d’Elle, relevant du registre de la narration. La couleur est annoncée : il s’agit d’un théâtre de récit. Cela se confirme par la suite avec toutes les interventions de la narratrice et les nombreux monologues intérieurs de Baptiste, eux aussi écrits sur le mode de la narration. Par ce dispositif Carmona, également auteur de romans, affirme de surcroît son statut d’auteur de texte : il a écrit une histoire faite pour être racontée, lue, et pas seulement interprétée, jouée sur un plateau.

De ce fait, ce texte nous invite à réfléchir sur le statut de la fiction : quels mensonges sont acceptables et quels autres le sont moins ? « Raconter des histoires » est une expression polysémique, signifie à la fois « mentir », et « conter ». On peut proposer aux élèves une recherche autour de cette expression, dans un dictionnaire ou sur internet, pour en dégager les multiples significations.

… qui contient des dialogues : l’importance de la parole au théâtre

Néanmoins, la pièce ne relève pas entièrement du registre narratif. En effet, une grande partie du texte est dialoguée d’une façon plus couramment théâtrale. Le discours direct correspond à la parole rapportée à l’identique, c’est l’équivalent des répliques dans le texte. Le discours rapportée est la parole d’un personnage qui est portée par un autre personnage ou le narrateur : ce discours peut être rapporté directement, entre guillemets, ou indirectement. Enfin, la narration est le récit d’événements qui s’enchaînent. Il est caractérisé par des verbes d’action et de mouvement qui indiquent la progression de l’histoire, à laquelle participent un ou des personnages.

Il peut être judicieux de repérer avec les élèves quelle réplique relève de quel registre, de noter aussi que dans certaines scènes tel ou tel registre est plus utilisé, et de se demander pourquoi. Quel effet cela produit-il ? Il est en effet important de comprendre le rôle des répliques. Cela sera très utile au moment de jouer le texte.

Voici quelques pistes de réponses : la narration permet de présenter les personnages (p. 7), de faire un résumé d’une période de vacances (p. 32), etc. ; le dialogue permet de donner vie aux personnages, de s’arrêter sur une scène (p. 23-25), etc.

Comme son nom l’indique, la parole directe nous permet souvent d’accéder plus directement à ce que les personnages traversent, à leurs émotions. C’est ce qui est frappant au théâtre : on assiste à des dialogues que des personnages sont en train de mener devant nos yeux, sans le filtre d’une narration, et leurs émotions nous parviennent directement.

Le théâtre : assister à une fiction

Cependant, on l’a vu, la pièce commence par du récit. Les personnages qui prennent vie dans les pages qui suivent sont donc aussi les personnages de ce récit. Il est d’ailleurs intéressant de relever avec les élèves certaines répliques directes, qui, dans la façon dont le texte est construit, s’avèrent être des paroles rapportées :

« ELLE.-[…] Et chaque vendredi, à Baptiste, toujours elle répond :
LA MÈRE.- Non. » (p. 11).

Ces personnages, qui semblent parler directement, ne parlent en fait qu’au travers du récit. De même, les acteur·rices qui les interprètent, bien qu’iels soient en chair et en os sur scène face au public, portent une parole qui n’est pas la leur. Iels portent la fiction et travaillent à nous y faire croire.

La pièce, quant à elle, ne cherche jamais à faire croire qu’elle n’est pas une fiction. Elle se présente sans fard, toute fiction qu’elle est, aux yeux des lecteur·rices et du public. Si l’on reprend la toute première phrase du texte (p. 7), on se rend compte en effet qu’il s’agit d’une adresse directe à la personne qui lit ou qui écoute et regarde. Par-là, l’auteur affirme dès le départ : nous allons, ensemble, assister à un mensonge.