éditions Théâtrales Jeunesse

Mersa Alam

de Henri Bornstein

Carnet artistique et pédagogique

Comment se définir ? Comment se raconter ? Qu’est ce qui me constitue ?

Une première possibilité serait de mettre en place le quotidien, l’univers familier, l’intimité familiale de la jeune fille. Imaginer toutes les situations quotidiennes dans lesquelles une adolescente peut se mettre à réfléchir, à penser, se souvenir. Installer une sorte de rituel pour chaque prise de parole identique.
Mettre en tension le va et vient entre le présent de la jeune fille, son quotidien et l’événement violent à venir (le calme et la tempête).

La parole surgit grâce à un déclencheur : utiliser les objets (miroir ou photographie)

Le personnage en scène pourrait faire son portrait, son autoportrait alors qu’il se regarde dans un miroir : il pourrait se dessiner ou de dessiner son visage, partie du corps que l’on voit le moins que l’on observe le moins sauf avec un miroir, objet qui prend une importance au cours de la pièce.
Appréhender de la sorte sa propre image avec une action qui pourrait amener la parole : l’élève peut ensuite donner son visage à voir au spectateur et lui adresser sa première réplique.

Le « réveil » : autre piste

Les participants se répartissent en deux groupes : un premier groupe va s’installer sur scène, confortablement. Ils peuvent s’allonger, s’asseoir sur une chaise… trouver la position la plus adéquate pour se relaxer. Les participants ainsi installés, ferment les yeux et prennent plusieurs aspirations ventrales, abdominales. Ils ne pensent à rien, juste à inspirer lentement et à expirer lentement.

Les participants de l’autre groupe viennent choisir un fragment de proposition, de phrase ; ils le mémorisent rapidement, le temps que les participants de l’autre groupe s’installent et se relaxent. Puis une fois que le premier groupe est « endormi », les participants du second groupe entrent sur le plateau et se promènent parmi les personnes ainsi endormies. D’une manière aléatoire, ils choisissent les participants et délicatement, en murmurant ils vont confier leurs bouts de phrase dans le creux de l’oreille. L’opération se répète plusieurs fois. Puis ils se retirent de l’espace de jeu et se placent sur le côté pour observer le premier groupe. Ces derniers se « réveillent » en douceur. Pas de gestes, ni de mouvement, juste d’abord ouvrir les yeux en restant dans la même position. Chacun peut restituer ce qu’il veut de ce qu’on lui a confié. La prise de parole est aléatoire, mais ne doit pas se chevaucher. On écoute toutes les propositions faites. Puis on s’éveille totalement en remuant et on s’assoie, on pose son regard sur les autres, sur le public. À nouveau, on redit les phrases retenues selon un ordre aléatoire. On porte une attention particulière à ce qui est dit et on tente au fur et à mesure de reconstruire un échange ou une parole construite. Utiliser la seconde partie de l’exercice lors de la mise en scène : un chœur de jeunes filles s’éveille et donne à entendre le début de la pièce.

Le travail autour de l’objet : l’assiette, les boîtes, les timbres

Les objets sont porteurs de sens et chargés de l’histoire personnelle de la jeune fille qui se définit par rapport à cet objet.

Piste de travail : choisir une situation quotidienne du repas : qui place les assiettes à table, les nettoie, les range, les ramasse ? Que raconte cet objet de moi, de ma vie ? Au-delà de ce rapport à soi, se poser la question de cet objet par rapport à la famille, héritage affectif et génétique.

Installation d’un rituel, par exemple, mettre la table et la couleur d’une assiette déclenche la parole et faire naître le souvenir. La violence du beau-père qui casse les assiettes, objet qui dévoile la jalousie entre les deux grands-mères, l’affection portée à la sœur, dont le portrait figure dans une assiette.

Les boîtes : elles sont placées dans un espace protégé, dans lequel la jeune fille se sent à l’abri. Elles envahissent l’espace au fur et à mesure qu’on s’approche du dévoilement. Elles participent à la diminution de l’espace vital de la jeune fille.

Mise en jeu du souvenir du beau-père

Comment se souvenir de son enfance, d’un épisode de sa vie à travers les sensations visuelles et physiques ? Les sensations visuelles sont très marquantes pour la jeune fille et le souvenir revient par cette sensation visuelle puis sensation physique de l’impact de la violence.

Piste de travail : la jeune fille se souvient d’épisodes de violence grâce aux couleurs, sensations visuelles des différentes couleurs du pull, le pull bleu (page 5) ou le pull rose (page 28) ou encore les épisodes avec les assiettes de couleurs différentes (période bleue page 7). Imaginer un travail autour des couleurs qui déclenchent des réactions chez la jeune fille : La jeune fille s’efface et le relais est pris par un groupe qui entre dans la zone de jeu et joue ce souvenir.

La scène des assiettes brisées

Mettre en lumière le mécanisme de la violence physique et morale qui se met en place au sien du foyer familial. Ne pas être dans le réalisme mais travailler sur les effets de la colère. On peut mimer le repas à table, installer un rituel du repas. L’entrée en scène du beau-père influe sur le comportement physique des autres personnages (cf. gamme de réactions). Les scènes de violence peuvent reposer sur la prise de parole, le beau-père « dit » sa violence sans la jouer ; seuls les effets sur les autres seront visibles. Les effets peuvent être chorégraphiés. La personne qui reçoit les coups joue la réaction physique des coups imaginaires qu’elle reçoit (travail sur le mime).

L’apparition de la jeune fille noire

Partir d’un rituel de la jeune fille qui à chaque fois qu’elle se regarde dans le miroir, voit son double (exercice classique du miroir). Le jour où elle aperçoit cette jeune fille noire, c’est son reflet qui prend son indépendance. Jouer cette séparation de soi.

On peut utiliser cet exercice pour mettre en scène le moment où la jeune fille bascule dans un autre monde, moment où elle s’affaiblit. Jeu du miroir avec la présence de tout le monde sur le plateau : elle se démultiplie à l’infini. Jouer sur le rythme des gestes de la jeune fille qui perd pied avec la réalité. Ce double peut constamment être présent aux côtés de la jeune fille. Travailler les ralentis, l’étirement du temps.

Plus elle se rapproche du moment crucial du dévoilement de cette vérité, moins elle peut se mouvoir librement dans cet espace.
La scène où elle entre dans la chambre : transformation en automate. Jouer une démarche mécanique, quand elle se dirige dans la chambre des parents, elle n’est plus qu’un corps debout, qui marche.