éditions Théâtrales Jeunesse

Miche et Drate, paroles blanches

de Gérald Chevrolet

Carnet artistique et pédagogique

Le travail de découverte de l’œuvre se poursuit en dévoilant le titre : Miche et Drate, paroles blanches.
L’identité du duo est affirmée : il s’agit de Miche et de Drate ; deux prénoms assez singuliers. Cette curiosité onomastique est à exploiter avec les élèves. Ces deux prénoms ne correspondent pas à des prénoms connus mais plutôt à un surnom ou à un diminutif.

Dans un jeu avec les élèves pour créer du sens à partir de ces deux mots, ils trouveront aisément :
Miche : bon comme la miche de pain. Diminutif de Michel, Michèle, Micheline ? Est-ce un prénom masculin ? Féminin ?
Drate : déformation de droite = il est raide comme un piquet (déformation physique) ou psychologique il est rigide, c’est peut-être celui qui « rate », celui qui échoue, celui qui porte la poisse. Est-ce un prénom masculin ? Féminin ?
Un tableau récapitulatif des informations recueillies sur chaque personnage peut être élaboré ; les élèves le rempliront au fur et à mesure de l’analyse et de leurs lectures de scènes. Il s’agira d’établir des critères d’analyse utilisé pour le personnage de théâtre (identité, caractère, …)

En poursuite de ce travail d’oral, les élèves pourront inventer d’autres prénoms de personnages en tronquant les mots, en jouant sur la paronymie ; chacun peut se créer un surnom ou un pseudonyme en exploitant les sonorités de son propre prénom par exemple. Ces surnoms ainsi créés pourront servir à l’écriture d’une scène après l’étude des textes.

Gérald Chevrolet nous donne quelques précisions sur le sens à donner aux personnages auxquels renvoient les deux noms : dans la liste des personnages que l’on peut faire lire aux élèves, il indique que Miche, « est le rond, l’harmonie, la réflexion, la pensée, la miche de pain » et que Drate est « le carré ou la flèche, l’instinct, la ligne droite ».

« Miche et Drate sont les deux parties du cerveau qui dialoguent au bord du monde »

À ce stade de l’analyse, les élèves verbalisent ce qu’ils ont compris de ces indications, on recueille leurs réactions et on synthétise toutes les informations relevées depuis l’étude de l’image en séparant ce qui relève de l’étude de l’illustration de ce qui appartient au texte ou au paratexte.

Image

  • Deux individus anonymes, quelconques : information logique.
  • Deux hommes ?
  • Ils jouent à créer des ombres chinoises : information étrange.

Texte et paratexte

  • Deux personnages définis par des informations peu classiques, plutôt abstraites : information étrange.
  • Deux personnages pour un cerveau : information étrange.
  • Ils sont au bord du monde : information étrange.
  • Duo qui discute : information logique.
  • Deux caractères différents voire opposés : information logique.
  • Pas de précision sur le sexe des personnages ?

Miche est présenté avec un lexique valorisant : « harmonie », « réflexion », « miche de pain ». On peut demander aux élèves de dresser les connotations qui s’attachent à ces termes et à quels domaines ils s’appliquent = Miche est plutôt un littéraire, un intellectuel, quelqu’un de généreux.

Drate est présenté avec un lexique qui appartient plus à la géométrie : « flèche », « droite », « carré ». C’est un intellectuel plus versé dans les mathématiques, il semble logique et à la fois fonceur très pragmatique.
Les deux personnages soulèvent des questions : un duo sympathique mais qui semble loufoque et un peu à la marge.

Ce que l’on peut en déduire

L’illustrateur a dessiné Miche et Drate assez proches physiquement l’un de l’autre et vêtus de manière quasi identique. Ce duo repose sur une opposition de caractère : Miche et Drate possèdent des caractères antithétiques. Ce portrait moral, psychologique est un élément important sur lequel l’auteur insiste alors qu’il aurait pu étoffer cette liste de personnages de renseignements classiques concernant le statut familial, le statut social, les liens avec les autres personnages. Il s’attache juste à préciser que l’un et l’autre ne réfléchissent pas de la même manière, pensent et réagissent différemment. Il complète ce portrait par une dernière indication qui marque bien la complémentarité de ces deux acolytes : deux personnages et un cerveau. Bien que différents, bien que deux, ils sont un, ils sont amis, inséparables et dialoguent ensemble, au bord du monde, endroit bien improbable pour tenir une discussion mais qui signale une mise en danger. Ce que nous pourrons vérifier dès la lecture de la pièce.

Avec les élèves, on peut énumérer les expressions populaires utilisées pour montrer que deux personnes n’en forment qu’une : « Ils s’entendent comme larron en foire », « les inséparables », « être comme les 5 doigts de la main », etc.

Ce duo de personnages complémentaires, inséparables renvoie aux autres couples célèbres du cinéma, de la littérature (y compris de la BD) du théâtre et des arts du cirque. Véritable motif littéraire, il pourrait donner lieu à une étude spécifique autour de la notion de personnage.

Construire deux figures artistiques opposées : Laurel et Hardy, Astérix et Obélix, Tintin et le capitaine Haddock… Cela renvoie à présenter deux appréhensions du réel différentes. Devant une même situation, chaque personnage réagit à sa manière, faisant naître des conflits et bien souvent provoquant bien souvent le rire ou plus sérieusement la réflexion chez les lecteurs ou les spectateurs. Gérald Chevrolet crée un duo avec les rapports qui s’instaurent : dominé / dominant. Faire valoir, dépendance, amour / haine pour arriver peut-être au duel. Quelle est la meilleure réaction, celle de l’impulsivité de l’un ou celle de la prise de réflexion de l’autre ? C’est peut-être aussi pour inciter à la tolérance et faire prendre conscience des multiples possibilités qu’offre la vie à chacun dans chacun de ces événements même minimes. Ce que l’étude de la pièce nous dévoilera.

La mention de « paroles blanches » parachève ce portrait du duo et place la pièce dans un registre précis. Soit l’enseignant interroge les élèves à partir de la symbolique de la couleur et leur fait déduire le sens de cette expression (faire l’inventaire des expressions imagées qu’ils connaissent contenant une indication de couleur : colère noire, être rouge de colère, se faire porter pâle, parler d’une voix blanche, rire jaune…) ; soit il peut donner à lire la précision que Gérald Chevrolet inscrit dans la didascalie initiale. Cette expression est une indication de jeu qui place résolument le texte du côté du plateau, du côté de l’acteur. La parole rappelle la définition du théâtre, art du dialogue. Si la parole blanche est un terme utilisé comme indication de jeu sur scène, cela signifie que le texte tout entier renvoie à un ailleurs, qui n’est plus celui de notre réalité mais celui de l’univers du théâtre : temps, personnages, lieux revient à ce réel illusoire qu’est le monde du théâtre mais peut-être plus vrai que notre réalité. Cela restera à prouver dans la suite de notre étude.
Il serait bon de travailler les tessitures de voix avec les élèves, et de jouer à créer un « répertoire » de voix (cours de musique).
Il serait intéressant que les élèves se constituent un lexique de théâtre, lexique de termes originaux, peu communs que l’on découvre au fur et à mesure des lectures ou des sorties au spectacle. Dans le cadre de l’histoire des arts, dans la rubrique spectacle vivant, les élèves peuvent effectuer la visite d’un théâtre et compléter ainsi un lexique qui pourrait être travaillé dans l’expression de la langue, avec humour par exemple ou en arts plastiques. Ce lexique pourrait également faire l’inventaire des métiers du théâtre sous forme ou non d’abécédaire.