éditions Théâtrales Jeunesse

Petit Pierre

de Suzanne Lebeau

Carnet artistique et pédagogique

Dix mots pour se définir

Dans l’Itinéraire d’auteurs (éditions de la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon) qui lui est consacré, Suzanne Lebeau répond à Joël Jouanneau sur son écriture. Extrait p. 78-79 :

Joël Jouanneau.– Est-ce que tu te livrerais à l’exercice que tu donnes à faire aux élèves auteurs ? C’est-à-dire les dix mots de ta biographie et de ton lien à l’écriture, du lien entre ton enfance, ta biographie et l’acte d’écrire.

Suzanne Lebeau.– Le premier mot, le regard : devant, derrière, dans le jour et dans la nuit, le regard de l’autre et de l’horizon, le changement.

L’écoute : pour la confidence qui perce les murs et qui reste entre les murs.

La terre : parce qu’on y vit tous et parce qu’il ne fau jamais avoir peur de s’y asseoir pour regarder le monde du point de vue des plus petits.

Le temps : celui de l’écriture est celui qu’on n’a pas, il n’existe pas, il ne peut être rempli, il est là tout simplement quand on le prend. Il vibre, il respire, il échappe à l’horloge.

L’eau : le principe de la vie qui coule fluide, toujours en mouvement et qui donne et qui me donne, à moi, une des choses qui me semblent les plus précieuses, un silence incomparable, clair et sonore.

Le cahier : parce que je ne peux pas vivre sans cahier, vide, à moitié rempli. J’aime les pages à petits carreaux, blanches, lignées, j’aime le contact avec le papier, et plus que tout, avec le cahier.

Le matin : l’heure où tout est possible, où j’ai encore le pouvoir de changer le monde parce que je n’ai pas encore écouté les nouvelles et où je suis souvent, seule à faire des plats, pour que chacun mange à sa faim.

La table : un lieu magique où enfants et adultes se réunissent. Lieu de l’échange et de la solitude, j’ai passé tellement d’heures assise à une table, la moitié de ma vie. Pour manger, ce que j’aime le plus, pour écrire, ce que j’aime le plus. L’amour de la table me vient de mon enfance. Tout se passait à table.

Joël Jouanneau.– Bon, il t’en reste deux. Et alors ?

Suzanne Lebeau.– Alors je dirais délinquance et liberté, liberté dans ma manière de regarder et de comprendre le monde. Je voudrais, comme Picasso qui disait avoir mis quatre-vingt ans pour retrouver le trait libre et gratuit de la main de l’enfant, retrouver chaque jour un peu plus du regard neuf de l’enfant.

Entretien avec Yvon Perrier, Théâtre du Carrousel

Il est toujours très difficile de répondre à cette vertigineuse question : « quelles ont été les multiples influences d’un auteur ? », car le travail d’écriture nécessite d’oublier tout le travail de recherche pour le digérer et le redonner autrement par la suite. Il m’apparaît plutôt difficile d’y répondre mais je vais quand même tenter quelques pistes...

Pour Petit Pierre, Suzanne est partie d’un livre magnifique de la Fabuloserie qu’elle avait à la maison et qui passionnait son jeune fils. Ce livre donnait à voir l’œuvre de cet artiste hors norme, qui a passionné toute la famille... Suzanne s’est rendue à la Fabuloserie, à visiter le manège de Petit Pierre, a rencontré Caroline Bourbonnais, la directrice de la Fabuloserie, Laurent Danchin, un spécialiste de l’Art brut et un fin connaisseur de Petite Pierre, et enfin, le frère de Pierre Avezard, Léon Avezard. Celui-ci l’a conduit sur les pistes de leur enfance, de cette histoire intime qu’il a bien voulu partager avec elle...

Suzanne a laissé ces images rejaillir, s’est laissée bercer par les souvenirs du manège en action, par le bruit qu’il fait lorsqu’il est en mouvement […], de ses propres souvenirs d’enfance et de la mémoire que l’on garde des grands événements qui ont marqué le dernier siècle... le metteur en scène a ensuite mis en contexte tous les passages de la traversée de l’Histoire avec des extraits musicaux de chaque époque […]. Mais Suzanne, elle, ne travaille pas avec de la musique ou des influences directes... Elle cherche plutôt à créer le vide après avoir accumulé une tonne d’informations, d’impressions et de sensations, pour laisser jaillir l’inconscient ou la mémoire qui s’est déposée en elle... C’est du moins de cette façon que je perçois son travail d’écriture.

Avant la mise en ligne prochaine d’autres éléments concernant l’écriture et les créations de Suzanne Lebeau, nous vous invitons à visiter le blog du Théâtre Jean Vilar de Vitry qui a conclu en mai 2010 quatre années de présence de Suzanne Lebeau à Vitry-sur-Seine.