éditions Théâtrales Jeunesse

Un chien dans la tête

de Stéphane Jaubertie

Carnet artistique et pédagogique

LE VRAI DU FAUX

Steph 1.- Franchement, Steph, ces histoires, ça vient d’où ? C’est autobiographique ?
Steph 2.- Totalement, Steph… et pas du tout ! Un auteur ça parle de lui. Ce qui est la moindre des choses. Encore faut-il parler de l’autre.
J’aime beaucoup cette phrase – je ne sais plus où je l’ai entendue : « j’écris sur moi et je lis sur toi. »
Après, entre ce qui est vrai et ce qui est faux, tu sais…
Steph 1.- Oui, mais toi, Steph, tu sais ce qui est vrai, ce qui est faux, dans ce que tu racontes ?
Steph 2.- Oui, mais l’essentiel n’est peut-être pas là. À ceux qui lui reprochaient de ne pas avoir fait le voyage en train pour écrire son immense poème La Prose du transsibérien et de la Petite Jehanne de France, Blaise Cendrars répondait : Ce qui importe, c’est que je l’ai fait prendre à des milliers de gens !
Steph 1.- L’écriture, comme le théâtre, a donc à voir avec le mensonge ?
Steph 2.- Je ne pense pas que ni l’écriture ni le théâtre aient à voir avec le mensonge. Ce sont des propositions nécessaires, des visions intimes du monde, que l’on appelle des fictions. Et si c’est bien fait, une fiction, ça ne ment pas. Au contraire, c’est même exemplaire.
Steph 1.- C’est à dire ?
Steph 2.- C’est à dire qu’une fiction, une fable, un roman, une pièce, c’est une redoutable machine à aiguiser la vérité, à la rendre plus perceptible. À montrer les physionomies internes des passions humaines, les âmes toutes nues. Avec leurs contradictions. À cœur ouvert, voilà l’homme ! Et ce qui l’anime, l’effraie, l’empêche ou le transcende, on le donne à voir, en pleine lumière.
Steph 1.- Pourquoi ?
Steph 2.- Pour troubler le regard. Pour, pendant un petit moment, voir autrement le monde. Pour ouvrir des fenêtres, pour voir loin et se rapprocher de soi. Lire un livre, voir un spectacle ou un film, c’est comme prendre, en confiance, un chemin qu’on ne connaît pas, et qui nous mène vers ce qu’il y a de plus vivant en nous.
Steph 1.- Un peu comme… l’amour ?
Steph 2.- Un peu comme toutes ces choses qui nous dépassent, et qui nous sont indispensables.
Steph 1.- et pour troubler l’autre, pour qu’il voie autrement, pour qu’il se rapproche de lui, il faut mettre de soi. C’est ça ?
Steph 2.- Je ne vois pas comment je pourrai faire autrement.