éditions Théâtrales Jeunesse

Il a beaucoup souffert Lucifer

de Antonio Carmona

Carnet artistique et pédagogique

Le statut de comédien·ne sur un plateau est toujours très complexe. La frontière entre acteur·rice et personnage est on ne peut plus floue : on est à la fois soi (parce que c’est notre corps au plateau, c’est nous qui sommes devant le public) et quelqu’un d’autre (parce que nous ne sommes pas dans notre état normal). La mise en jeu d’Il a beaucoup souffert Lucifer peut, de ce fait, être source de difficultés : faire dire des paroles extrêmement blessantes et violentes à des enfants peut être difficile. Iels peuvent prendre cela personnellement, cela peut faire écho à une situation qu’iels subissent au quotidien, etc. Il s’agit donc de trouver des astuces pour que les élèves ne soient pas confronté·es à cela de manière trop frontale. C’est par ailleurs l’occasion de discuter avec les élèves de ce sujet.

La scène au cours de laquelle Gabriel joue avec des poupées à l’effigie de ses parents (p. 24-27) peut être une bonne approche. Le passage par la marionnette peut en effet permettre de mettre concrètement le personnage à distance. De même, les personnages en scène (les parents) sont plus éloignés des élèves que Gabriel et Lucifer, ce qui peut leur permettre de prendre du recul. Par ailleurs, c’est un type de jeu théâtral qui n’est pas si différent de ce que des enfants peuvent faire pour s’amuser : les élèves en connaissent donc déjà les codes. Ce travail peut être l’occasion pour les élèves de confectionner des marionnettes ainsi que des éléments de scénographie – le but n’étant pas de reproduire un castelet style Guignol, mais soit de proposer un espace neutre (une table par exemple) qui puisse mettre les marionnettes en valeur, soit de prendre, ou de fabriquer, des accessoires qui servent la dramaturgie.

Pour rendre le jeu des élèves plus lisible, il est préférable que la scène soit jouée par trois personnes (Gabriel, Poupée Maman et Poupée Papa). Cependant, un des points intéressants de cette scène est que l’on voit le personnage de Gabriel prendre des poupées et jouer à la marionnette. Or, si les deux élèves marionnettistes sont visibles autant que l’élève qui joue Gabriel, ce n’est plus lui qui joue aux poupées, mais ses deux partenaires. Ces dernier·ères seront donc caché·es et feront jouer leurs marionnettes avec lesquelles interagira l’élève qui joue Gabriel.

Pour mettre en jeu les scènes situées avant le discours de Lucifer, les répliques de ce dernier, et plus particulièrement celles qui ne sont pas dramatiques, peuvent être dites en chœur. Cela permet de faire jouer plusieurs élèves en même temps et de développer ainsi leur sens de l’écoute. Par ailleurs, comme tous les membres du chœur reçoivent les brimades de Gabriel, cela diminue l’impact de celles-ci pour chaque élève, puisqu’il n’y en a pas un·e que l’on vise en particulier. De plus, la pièce adopte le point de vue de Lucifer, c’est son histoire, et c’est la fonction traditionnelle du chœur au théâtre de raconter l’histoire qui se joue au plateau.

Le passage au plateau constitue le prolongement de tout le travail effectué jusqu’alors par l’enseignant·e et les élèves. Il doit donc s’appuyer sur les éléments dramaturgiques mis en évidence dans le travail d’analyse du texte et de mise en voix (le changement de Lucifer au moment du discours, le fait que Gabriel manipule la pièce et ainsi de suite). L’enseignant·e guide la classe, bien sûr, mais il est important que les élèves participent à la mise en jeu pour qu’iels voient prendre forme de manière concrète ce qu’iels avaient compris ou imaginé. C’est l’occasion d’utiliser les écrits et les dessins que les élèves ont réalisé durant toute la séquence.