éditions Théâtrales Jeunesse

Mersa Alam

de Henri Bornstein

Carnet artistique et pédagogique

Objectif : mettre la voix et le corps en jeu dans un travail collectif.
Développer des compétences sur le plan de l’expression dramatique et sur le plan de l’expression orale.
Choix de fragments qui témoignent de l’évolution du personnage et du dévoilement de l’histoire.

  • Premier fragment : découverte du personnage principal ;
  • Deuxième fragment : le portrait des personnages ;
  • Troisième fragment : la violence quotidienne et le combat entre sœurs ;

Premier fragment : découverte du personnage principal

Démarche : travail avec toute la classe (dans la classe, assis à la table de travail). Exercice à effectuer avant de se lancer dans le travail d’analyse du texte.
Support : le premier fragment, page 5 de « ma naissance » à « ma sœur me manque »
Objectif : découvrir une langue, une écriture par la lecture à voix haute. Dégager la spécificité de ce texte dramatique.

Premier exercice : expérimentation active de la voix

Consigne : Découpez ce fragment en différentes propositions ; les élèves piochent chacun un papier, prennent connaissance de la phrase, silencieusement. Puis chacun donne à entendre sa proposition simplement comme elle lui vient, l’exercice s’effectue dans un ordre aléatoire. Si deux élèves prennent en même temps la parole, la prise de parole s’annule. Ils recommencent.
Reprendre l’exercice une seconde fois en demandant aux élèves d’essayer de mettre de l’ordre dans les répliques, de reconstituer logiquement le texte qu’ils entendent.

Phase d’échange : Questionner les élèves, recueillir leurs impressions de lecture : genre du texte, personnage, lieu, situation…
Donner le fragment reconstitué, reprendre la lecture de ce fragment. Varier les lectures : lecture assis à la table. Lecture debout tout en demeurant à sa place. Puis toutes les personnes ainsi levées viennent former une ligne devant la classe et disent le texte en lecture adressée.

Bilan de l’exercice

Constats : pas de didascalies, pas de dialogue. Un personnage unique.
Problèmes soulevés : comment se répartir la parole ? Comment adresser ce texte ? Quelle situation de jeu proposer ?
Que penser de la lecture de ces fragments ? Quelles sont les différences entre ces trois temps de lecture ? élaboration de critères pour l’oral et la lecture (évaluation).

Deuxième exercice : travail sur le rythme, l’articulation et le souffle, éléments qui donnent sa force au texte

Consigne : reprise de la lecture de ce fragment en travaillant la figure de l’anaphore et la notion de chœur. Répartition des propositions : un chœur d’élèves prend en charge toutes les répétitions « je ne l’ai pas voulu » « chaque matin » « chaque année… » ; un autre groupe prend en charge le reste des propos de la jeune fille.
Pour trouver l’état le plus juste de la jeune fille quand elle se lance dans cette confession, les élèves peuvent travailler le texte en variant l’intensité, le rythme et l’intonation : je peux dire ma phrase comme si elle surgissait, je peux crier, chuchoter, chantonner, hurler, haleter, aller crescendo ou decrescendo.
On peut travailler l’intensité de la voix en abordant le travail sur la respiration abdominale : donner à entendre sa phrase sur l’expiration.
On peut travailler l’articulation en faisant sonner toutes les consonnes d’une manière exagérée.
On peut travailler l’intonation en faisant sonner toutes les voyelles.

Bilan de l’exercice : élaborer une grille d’évaluation, de critères de la prise de parole, de la lecture à voix haute. Comprendre que l’état de la jeune fille n’est pas toujours identique, il peut varier au sein d’une même réplique en fonction de ce qui est dit. Demander aux élèves quel état est le plus juste.

Troisième exercice : proposer une mise en espace

Consigne : tous les participants sont dans l’espace scénique, se déplacent à une allure normale, d’une manière neutre. Chacun est seul, ne regarde personne, perdu dans ses pensées tout en ayant conscience de l’équilibre du plateau.
Une personne s’arrête quand elle le désire, sans rien dire, elle arrête ainsi le mouvement de tout le groupe et chacun se tourne vers elle : après s’être assurée qu’elle avait les regards de tous, elle donne à entendre sa phrase. Ce qu’elle vient de dire peut être repris par les autres participants comme s’ils répétaient les propos entendus pour eux-mêmes. Tout le monde repart dès qu’elle en donne le signal. On peut ainsi énoncer toute la réplique de la sorte pour créer un chœur éclaté.

Bilan de l’exercice : le travail de l’adresse est important : certains propos de la jeune fille peuvent être adressés au public directement quand d’autres peuvent être donnés aux autres participants sur le plateau. L’espace permet la constitution de groupes ou la mise en valeur d’un personnage.

Deuxième fragment : le portrait des personnages

Démarche : travail avec toute la classe après la lecture du texte et la constitution du tableau des personnages : travail par groupes de deux, puis en chœur.
Support : deuxième fragment (page 5/6 et page 28) : deux états différents du beau-père.
Objectif : Comment et pourquoi présenter quelqu’un au théâtre ? le rôle du corps.

Premier exercice : la description d’un personnage.

Consigne : partir d’un exercice d’improvisation. Les élèves se placent par deux et ont 5 minutes pour préparer une description de l’un et de l’autre. (Description physique, tenue vestimentaire et une anecdote). Puis chaque groupe passe sur le plateau, debout, face public : le premier présente son camarade qui reste muet. Il lui donne un prénom, un nom, le décrit rapidement, et lui invente une vie, un métier. Une fois la présentation réalisée, le personnage sort et la personne ainsi décrite est laissée seule sur le plateau. Elle réagit à ce qui vient d’être dit à son sujet en faisant évoluer son regard et son état, en modifiant la sensation respiratoire et corporelle. Le personnage décrit prend vie ainsi.
Utiliser le travail précédent sur la voix pour mettre en valeur ce qui est dit : à la criée, comme le bonimenteur… puis on inverse les rôles.
Essayer de faire le même exercice sans la présence du second personnage tout en imaginant qu’il est là.
Des élèves se lancent dans la présentation du beau-père : sélectionner les propositions du portrait page 5/6 et page 28.

Bilan de l’exercice : travailler l’adresse : pour qui dire ce fragment ? Quelle en est l’utilité ? Comment faire naître un personnage qui ne dit rien ? Comment donner à voir ce qui n’est pas visible ? Raconter ce que le spectateur peut voir et suggérer autre chose par la parole, par le corps exposé. Le personnage doit-il être présent sur scène quand on dresse son portrait ? Peut-on en faire l’économie ? On peut travailler de la sorte les autres personnages du texte, par un travail sur l’intensité du regard.

Deuxième exercice : travailler la démarche et aborder la caractérisation du personnage

Les élèves se répartissent sur l’aire de jeu tout en respectant l’équilibre du plateau. Ils se déplacent d’une manière neutre. Travailler les variations de rythme, de regard Puis guider le déplacement des participants avec des indications sur la démarche afin que chacun se lance dans une exploration sensorielle. Chacun travaille pour soi sans se préoccuper du groupe : imaginez une personne âgée : dessinez sa silhouette en « imitant » l’image que vous avez de cette personne. Adoptez dans votre corps la même silhouette. On travaille d’abord sur la ligne de la colonne vertébrale. Avec cette nouvelle posture du corps, comment se déplacer ? Travailler l’économie du geste, une personne âgée n’a pas la même énergie qu’un jeune premier, elle se déplace à petits pas, et le corps n’est plus en mouvement dans sa totalité, il représente une masse difficile à mettre en mouvement. (Cf. les personnages de la commedia dell’arte comme Pantalone).

Travailler ensuite d’autres figures : le jeune, la jeune fille, l’alcoolique, le chevalier, un éléphant… Puis aborder la sensation et l’émotion : la gaîté, la tristesse, la fatigue… Pour faire sentir aux élèves les différences possibles, travailler le physique, la sensation physique. Les élèves peuvent voûter le dos, creuser les épaules, hausser les épaules et enfoncer le cou, la tête dans les épaules. Ils peuvent se creuser le plexus solaire ou au contraire proposer un dos très droit. Ils peuvent marcher les pieds ouverts, pointes vers l’extérieur, en se dandinant comme le canard. Ou les pieds en dedans ils peuvent marcher avec les pieds très lourds ou au contraire sur les talons, sur la pointe des pieds. Copier ainsi les démarches des animaux (le lion, l’autruche, la pie, la souris…)

Puis reprendre le tableau avec la présentation des personnages, tableau élaboré lors de la lecture analytique : trouver un geste, une attitude, une démarche qui caractérise chaque personnage. Les élèves peuvent choisir leur personnage et le travailler durant 5 minutes. Démarche, regard, attitude, tic… Trouver ce qui caractérise le personnage de manière à ce qu’il soit reconnaissable dès qu’il entre en scène. Lui choisir un objet. Faire passer les élèves avec une entrée sur le plateau, se placer face public et la jeune fille fait le portrait du personnage. Ce dernier regarde le public et sort.

Bilan de l’exercice : comprendre que tout le corps peut exprimer quelque chose, prendre conscience que le corps dit beaucoup même si le personnage ne dit rien. On peut être juste en scène et raconter beaucoup sans dire quoique ce soit. Les élèves prennent conscience qu’il faut modifier le rapport avec son propre corps quand on joue un personnage. Cet exercice permet de développer son sens de l’observation et de repérer dans le texte dramatique les indications utiles pour le jeu. Le travail sur les sensations est également indispensable pour saisir la caractérisation du personnage. Travail sur l’intensité du regard et l’expression du visage.

On peut travailler l’attitude grâce à l’exercice de la statue et de son sculpteur. Tous les élèves se répartissent en binôme et l’un sculpte l’autre en fonction des indications fournies on peut ainsi sculpter toute la famille et ensuite venir observer cette famille dont l’histoire va nous être dévoilée. Puis dire le texte.

Troisième fragment : la violence quotidienne et le combat des sœurs

Démarche : travail individuel dans un premier temps puis par groupes de deux et chœur.
Support : deux moments de violence, celui de la bagarre mémorable des deux sœurs page 14 – 15 et celui d’un acte de violence du père page 15-16. Autres extraits page 29 « Pour le provoquer… le hasard » ; page 33–34 « Je suis revenue … regagne sa tanière. »
Objectif : aborder l’expression des sentiments et le rapport aux autres sur le plateau.

Premier exercice : travailler l’énergie

Se placer en cercle et se lancer un ballon en donnant son prénom. Attention à être clair dans son adresse (engagement du corps) et prendre le temps de dire son prénom, c’est le ballon qu’on envoie, il faut qu’il arrive à destination. Ce ballon, c’est la voix qu’on donne à entendre. Puis variante : on lance le ballon et on appelle la personne à qui on lance.

Continuer l’exercice en remplaçant les prénoms par des propositions extraites des fragments abordés.

Puis on peut construire l’échange : on reçoit une phrase et on répond avec sa phrase en regardant la personne qui vient de lancer. Poursuivre l’exercice sans lancer le ballon en faisant attention à l’adresse. (échange page 28-29).

Bilan de l’exercice : installation d’un dialogue, l’énergie envoyée par la personne nous met dans une certaine position pour lui répondre : se laisser porter par le sens des propos, et aussi établir une relation à l’autre avec tout ce qui se joue avec l’autre (l’enjeu peut être donné par la situation et aussi par l’énergie). Sélectionner dans le texte à travailler des temps forts, amener le travail de relecture des fragments.

Deuxième exercice : les tensions

Les élèves se déplacent sur l’aire de jeu d’une manière neutre. Puis ils exécutent des consignes proposées par l’animateur : marcher en étant tiré par l’épaule, par le coude, puis par le genou, par le nez, marcher en étant poussé dans le dos, par les jambes, par l’épaule, par la tête… Éprouver toutes les tensions au niveau du corps.

Puis un élève entre en scène et prend place sur le plateau. Un second entre et bouleverse cet équilibre : jouer les modifications physiques de ce déséquilibre, de cette perturbation. (Cf. gamme des réactions)

Travail sur l’entrée du beau-père page 15 en réinvestissant le travail sur la démarche.

Troisième exercice : une bagarre mémorable

Mettre en place un dispositif de miroir collectif. La personne qui est au centre lance un geste qui sera repris par les autres en écho. Les gestes retenus sont ceux qui correspondent à une bagarre et aux gestes, aux mouvements de la boxe. La bagarre sera ainsi réalisée à distance, et chorégraphiée. Être précis, ample dans les propositions, chaque geste doit être net. Si on se trompe, ce n’est pas grave. Être calme, faire confiance au fait que l’on voit, être de plus en plus connecté à l’autre.

Ajouter une musique pour créer un univers particulier.

Puis intégrer des fragments du texte, une personne lit le passage page 14 - 15. Chacun peut inventer et dire une petite phrase qui lance la bagarre. On peut travailler sur la respiration, souffler, ahaner, haleter sous l’effort, les coups… soupirer.

Bilan de l’exercice : difficulté à représenter une vraie bagarre ; le jeu du miroir permet à distance de la violence et du combat ; il donne à voir la beauté de la dispute. A partir d’une mise en mouvement, libération de la parole, cela pourrait être un texte où chacun dit sa phrase. On obtient la création d’une humeur commune, d’un tableau que la musique rythme.

On peut travailler ce combat à partir de trois autres exercices.

Deux participants se placent sur le plateau, éloignés l’un de l’autre. Le premier dit sa phrase en boxant son camarade à distance. L’autre reçoit le coup et le marque physiquement. À son tour, il boxe son camarade de la même manière. Aborder cet exercice après une mise en énergie.

Théâtre–image : un élève vient sur le plateau adopter une attitude de combat ; un autre vient se placer en réaction ou en complément à ce premier geste, à cette première attitude et ainsi de suite : on crée un tableau représentant un combat mémorable. On peut s’inspirer de tableaux de peintres.

L’exercice de la machine : un élève vient se placer sur le plateau, il adopte un geste belliqueux et une parole qu’il répète à l’envi. Les autres viennent se placer dans cet espace, en établissant un contact avec la première personne : il cale son geste et sa parole / bruit / son en fonction du rythme proposé.

Puis faire entrer la mère qui reste silencieuse. Elle se place de manière à voir la machine infernale et le public. Un contraste s’installe ainsi qu’une prise de conscience par les bagarreurs. Arrêt de la machine.