éditions Théâtrales Jeunesse

Mobile home

de Sarah Carré

Carnet artistique et pédagogique

Préambule

Idéalement, cette première séance a lieu avant que les élèves aient lu le texte : le but ici est de découvrir Mobile home et de lancer la discussion sur la pièce en l’abordant par son paratexte.

Voici quelques éléments à garder en tête avant la séance et à aborder avec vos élèves au besoin :
• La couverture (selon le CNRTL : « Ce qui, matériellement, sert à couvrir, à recouvrir ou à envelopper quelqu’un ou quelque chose. ») : elle recouvre l’intérieur du livre, protège et présente le texte et fournit quelques informations essentielles : titre, nom de l’auteur·rice, éditeur, etc.
• La couverture est là aussi pour donner envie de lire le livre, la présentation (graphisme) de tous les éléments de la couverture est en cela essentielle. Un des éléments clés de la couverture est le texte de quatrième.
• Un texte de quatrième de couverture est une présentation de l’œuvre par l’éditeur (le plus souvent) qui se compose d’un résumé de l’intrigue de l’œuvre, d’indications sur le genre et le ton, d’une mise en valeur du style de l’auteur ou de l’autrice. Un éditeur a l’obligation légale (quelques exceptions existent) de faire apparaître le prix du livre sur sa couverture. Ici, il est présent sur la quatrième, avec le texte de présentation de l’œuvre.
• Il s’agit là de quelques notions de base, parfois allégrement détournées par les éditeurs.

La quatrième de couverture

Le texte de quatrième de couverture de Mobile home est découpé en quatre paragraphes. Regardons un peu sa structure, pour commencer. Le premier paragraphe est factuel : il raconte le début de la pièce, la situation initiale (une amorce de l’intrigue). Le deuxième paragraphe l’est déjà moins, en ce qu’il naît d’une nécessaire analyse du texte, mais il raconte toujours quelque chose de celui-ci, il précise l’élément déclencheur (annoncé à la fin du premier paragraphe) et le sujet de la pièce. Le troisième paragraphe, lui, nous parle davantage du style de l’autrice et de son propos, il est donc plus interprétatif. Le quatrième et dernier paragraphe l’est définitivement. On appelle ça l’envoi, ce petit quelque chose qui permet de bien mettre en valeur un livre.

On constate un mouvement en entonnoir qui va de plus en plus loin dans la compréhension et l’analyse du texte. J’ai dit plus haut qu’une quatrième de couverture servait autant à informer le lecteur sur le contenu du livre qu’à lui donner envie de le lire : ici, l’éditeur a construit sa quatrième de couverture de façon à raconter la pièce (sans trop en dire) tout en mettant en avant ses points forts : une « langue vive », l’histoire d’un trio « tout en justesse et fantaisie ». Il est intéressant de lire ce texte en se demandant ce qui relève de la description ou de l’analyse, du factuel ou du subjectif.

Quelques mots clés pour l’analyse du texte de quatrième de couverture :
Premier paragraphe
« Côtelette […] ses deux meilleurs amis » : nous savons qui sont les personnages et quelle est leur relation.
« a donné rendez-vous […] dans leur ancien repaire » : nous savons où et comment
« Révélation », « quelque chose en elle a changé » : nœud (questionnement initial qui provoque le début de l’histoire).

Deuxième paragraphe
« détonateur », « les langues se délient », « cocon familial »

Troisième paragraphe
« huis clos », « langue vive », « humour », « parents » vs « enfants », « adolescence » et « au-delà ».

Quatrième paragraphe
« Trio », « puissance », « amitié », « besoin », « invention », « ailleurs », « soi ».
Quelques questions de vocabulaire supplémentaires : que veulent dire « détonateur », « cocon familial », « huis clos » ? Qu’est-ce que cela raconte de précieux sur le texte, l’intrigue, l’ambiance ?

Exercice d’écriture facultatif : Une fois la pièce lue, demander aux élèves de rédiger une quatrième de couverture en suivant la même structure que celle employée par l’éditeur. Le but est de mettre en pratique les notions abordées, mais aussi de mettre en mots, et en choisissant un vocabulaire spécifique, leur réflexion personnelle. Cet exercice peut aussi s’effectuer en deux étapes : un premier travail d’écriture à l’issue de la lecture préliminaire de la pièce, puis une révision de ce premier exercice à l’issue des séances consacrées à Mobile home.

Le titre

Commençons par regarder le titre en détail. Que signifie Mobile home ? C’est le moment de faire un brainstorming ! Demandez à vos élèves ce qui leur vient à l’esprit lorsqu’ils entendent « mobile home ». Voici quelques éléments de réponse donné par mon cobaye (moi) : liberté, aventure, voyage, minimalisme, nomadisme… mais aussi précarité, instabilité, solitude… On peut penser au quotidien de Fern dans Nomadland ou à la famille Cash dans Captain Fantastic, où la liberté de mouvement et l’aventure côtoient un sentiment d’exclusion du reste de la société. Gardons cette dualité en tête.

Aussi, Mobile home renvoie, évidemment, à une « caravane de grande dimension, hors gabarit routier, destinée à une occupation temporaire de loisirs, et conservant ses moyens de mobilité » (Larousse). Mais est-ce aussi simple ? Vous avez peut-être remarqué que la caravane s’écrit plus fréquemment « mobil-home ». Qui plus est, il n’est pas, concrètement, question de caravane dans la pièce (spoiler). On peut donc penser que le choix de ce titre, s’il évoque sciemment une caravane, veut aussi nous suggérer autre chose.

Rassemblons un peu toutes nos idées :
• Pourquoi « Mobile home », terme à la connotation anglaise ? À quoi cela correspond-il en français ?
• Ce titre est-il polysémique ?
• Quels sont les effets produits par le titre ?
• Que nous dit le titre sur l’histoire ?

Voici quelques éléments de réponse pour aiguiller la conversation : en anglais, mobile home est littéralement une « maison ambulante », une maison que l’on emporte avec soi où que l’on aille ; à l’inverse de la maison sédentaire où l’on rentre. Le point d’ancrage n’est plus la maison, le foyer. Cette itinérance a un double visage : liberté de mouvement, non-attachement, mais aussi déracinement, absence de long terme. Évidemment, « mobile home » est aussi la caravane en français et renvoie à l’idée de maison ambulante. Enfin, mobile home, c’est évidemment le mobil-home que certains vacanciers connaissent bien, mais cela réfère au moyen de locomotion. Au contraire, « mobile home », en deux mots et en anglais, apporte de la distance et permet d’envisager ces deux images : le foyer ambulant.

Les personnages

Venons-en aux personnages. Leurs prénoms ne sont pas communs… « Côtelette, Dino et Poney ». S’agit-il de « vrais » prénoms ? Est-ce que ces prénoms donnent des indications de genre, d’âge, de nationalité ? Si non, est-ce si important de donner ce type d’indications ? On remarquera aussi que les trois personnages sont listés par ordre alphabétique : en dramaturgie, on dit que les rôles sont équilibrés, tout le monde a la même importance dans l’histoire !

En regardant la liste des personnages, plusieurs éléments sont à noter. Le premier est qu’il y a deux types de personnages. D’un côté, nous avons Côtelette, Dino et Poney, des personnages à l’existence concrète : ils sont nommés, ils ont un âge et un sexe/genre. D’un autre côté, nous avons des personnages désincarnés (des « intervenants ») : des voix « intérieures, adultes, multiples ». À qui sont-elles ? Sont-elles les voix de Côtelette, Dino et Poney adultes ? N’est-ce pas impossible, au théâtre, d’avoir des voix intérieures ? Comment dire, comment jouer des voix dont l’existence n’est pas destinée à être publique ? On peut réfléchir à quel intérieur on parle.

Le deuxième élément à noter est, justement, la différence d’âge entre ces personnages. Nous avons d’un côté des adolescent·es et de l’autre des adultes. Cette distinction nous raconte quelque chose de la pièce, elle nous donne des indices sur un de ses thèmes, tout au moins. Cette distinction est aussi un élément avec lequel jouer en Mise en scène / Mise en voix.

Le genre

Mobile home est une pièce du théâtre de l’intime (c’est l’éditeur qui nous le dit !) Cela implique que le public est proche, physiquement et émotionnellement, des personnages. La réflexion se nourrit de l’émotion que suscite la pièce. C’est un peu un genre théâtral tourné « vers l’élucidation du mystère de la vie intérieure, vers le déchiffrage de l’énigme que l’homme est pour lui-même », pour reprendre les mots d’Henri-René Lenormand, un des précurseurs du théâtre intimiste de l’entre-deux guerres.

Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver une sélection de pièces du théâtre de l’intime ici.

La structure du texte

Vos élèves savent probablement qu’une pièce de théâtre est découpée en actes, puis en scènes… Ils seront certainement surpris de se rendre compte que Mobile home ne suit pas du tout cette tradition. Comment est donc structurée la pièce ? C’est l’occasion de rappeler aux élèves quelques notions de vocabulaire théâtral et d’étudier en quoi ce texte s’affranchit de certaines conventions classiques.

La pièce est rythmée par des intermèdes nommés « Fenêtre… » qui laissent penser à deux lieux distincts, mais communicants. Ce mécanisme renforce un certain jeu de miroir, ici entre différents âges, que nous retrouvons tout au long de la pièce.

Deux éléments conventionnels demeurent : les personnages et la présence de didascalies. Pourtant, nous avons déjà vu que les personnages ne sont pas tous conventionnels. Qu’en est-il des didascalies ? Je vous laisse, dans un premier temps, lire la définition de didascalies dans le glossaire publié sur le site des éditions Théâtrales, ici.

Les didascalies de Mobile home, qui ne sont pas très nombreuses, sont très factuelles. On pourrait dire qu’il s’agit, effectivement, d’indications scéniques. Voici quelques exemples de ces didascalies :
« Un temps », page 8
« Arrivée de Poney », page 11
« Un temps », page 14
« (aux yeux noirs de Côtelette) », page 16
« Côtelette exulte », page 18
« Côtelette s’apprête à partir. Poney la retient. Elle insiste. Lui aussi. Il réussit à la faire asseoir. », page 22
« Le portable de Poney sonne », page 22
« (à Poney) », page 24

Pourtant, certaines d’entre elles s’éloignent quelque peu d’indications scéniques au sens propre du terme, est-ce que vous voyez pourquoi ? Voici quelques exemples :
«  Sans doute qu’elle la prend et l’écrase », page 9
«  Peut-être qu’on l’entend s’époumoner au téléphone  », page 34

Ou encore, de manière différence :

« Un temps. Long », page 44 (et non « Un temps long » : en quoi est-ce suggestif ?)
« Théâtralement », page 57 (que veut dire « théâtralement » dans une pièce de théâtre ? Quel effet sur le lecteur, par exemple ?)