Proposer un exercice théâtral, premier pas vers la mise en voix et mise en jeu : le groupe est invité à marcher en silence dans l’espace vide, épaules dégagées, regard à l’horizontal. Quand la concentration est suffisante, on demande que, tout en continuant à marcher, chacun dise son mot ou sa phrase, d’abord pour lui-même à voix haute ; puis au signal, on s’arrête et une première personne la dit au camarade le plus proche, qui donne à son tour la sienne. On reprend l’exercice trois ou quatre fois. Enfin, après avoir défini des espaces « ombre » et « lumière », on reprend la marche, au signal, on s’arrête et quand on le veut, on rejoint l’un après l’autre, suivant sa phrase, l’espace ombre ou lumière (ceux qui ne savent pas se placent au milieu mais au lointain).
On constatera vraisemblablement que le groupe « lumière » est plus nombreux, signe que P’tit Lu a retrouvé sérénité et confiance. Si on le souhaite, on pourra compléter l’arbre protecteur avec les élèves après cet exercice.
À son arrivée au foyer (pages 29 à 33 « Jusqu’à ce jour-là. ») P’tit Lu est dans un refus marqué : les phrases négatives courtes avec une répétition de « Je n’veux pas » et les élisions de la langue parlée familière dominent. Sa seule affirmation est « J’veux voir mon frère. », son seul soutien, le seul qui lui donne de l’affection.
En lien avec cette union profonde, les brouillons de Catherine Verlaguet permettront une réflexion intéressante sur son choix des prénoms. P’tit Lu se prénommait d’abord Eliot ! Pourquoi lui a-t-elle préféré P’tit Lu diminutif de Lucien ? Pour le rappel de la sonorité « Lu » exprimant l’union profonde des deux frères ; pourquoi pas plutôt Lulu ? Pour la fragilité donnée par P’tit Lu.
Suivant le temps, on fera approcher le travail d’écriture, en comparant la langue des deux versions (au brouillon : moins rythmée, plus « relâchée ») et le changement des adresses (exemple simple : « J’avais pas envie », récit au public, qui devient « j’ai pas envie » à Nora) et en mesurer les effets.
(cf. Environnement artistique de la pièce : les pages 1, 1bis et 2 du brouillon renvoient aux pages 29 à 33 du livre. Attention ! L’autrice a l’habitude de barrer toute la page une fois qu’elle a été reprise, cela ne vaut donc pas renoncement total.)
On notera qu’après la proposition de la couture, P’tit Lu n’est plus dans le refus. Il ne parle plus de lui mais des tissus, et ses phrases deviennent affirmatives, suraffirmées même, avec la répétition de « Je couds. Je couds. », qui sonne comme une jubilation.
De l’œuf à la graine :
Catherine Verlaguet revient sur l’histoire de l’œuf. À cela, deux raisons sans doute :
la première fonctionnelle puisqu’elle imagine que les trois parties puissent être montées séparément, elle reprend de l’une à l’autre les éléments essentiels de la situation ;
la seconde parce que cela permet de filer la symbolique de l’évolution de P’tit Lu, de l’œuf à la graine : de l’enfant mal couvé, le poussin fragile abandonné qui n’a pas pu devenir Ogre (page 15), puis de la plante qui a mal poussé faute de soins (page 35) à la graine, sa renaissance par lui-même (page 47).
Nora, la couture et les autres :
Nora prend le relais du soutien de P’tit Lu.
D’abord dans le refus, l’isolement, le manque de son frère, il finit par oser lui dire « Tu deviens… une grande sœur. » (page 32) et lui confier une chose très intime : la nappe qu’il caresse lui rappelle la robe de sa mère. Cette phrase est aussi l’occasion de faire remarquer l’importance et la force de l’implicite avec les points de suspension, comme aux pages 43 et 45.
Elle le fait en éducatrice avec respect, par l’encouragement, sans le brusquer. Elle lui ouvre des portes, celle de la couture, si bien que P’tit Lu n’est plus enfermé ni dans le placard, ni dans sa coquille. Il se projette dans quelque chose qui sort de lui, le rend utile et le socialise.
Nora n’a pas été seule à participer à cette réinvention : Cathy, la couturière à la retraite, les camarades, filles puis garçons, le père de l’un d’eux en l’emmenant acheter des tissus (image positive d’un père et de la masculinité).
La confiance qui lui a été donnée et qu’il a trouvée dans la couture lui permet de refuser l’arbre généalogique familial pour le commencer à partir de lui : la « première graine ».
Cette renaissance de P’tit Lu se matérialise : tout était noir et fermé dans la première partie (les coups, P’tit Lu dans le noir de son placard), tout se colore dans la deuxième (tissus, surnom Arlequin, évocation des plantes, des fleurs) et tout s’ouvre (le jardin, les rencontres). Ça respire, quand tout était fermé : même le bâtiment du foyer d’abord délabré devient tout neuf.
Comment le scénographe ou l’éclairagiste du spectacle feraient-ils ressentir cela aux spectateurs ? Pour tenter d’y répondre, il faudrait effectuer des recherches par petits groupes qui amèneront à dépasser le réalisme d’un décor pour une symbolisation scénographique. On les confrontera ensuite au choix de la compagnie Le Bel après-minuit (cf. photos Environnement artistique de la pièce) : une simple toile peinte en fond et au sol dessinant un ciel lumineux comme horizon. On précisera le choix de la metteuse en scène : pouvoir jouer la pièce en tout lieu, avec un minimum de matériel.
L’évolution de P’tit Lu se fait sentir aussi par un changement dans la forme du théâtre-récit. P’tit Lu n’est plus seul à raconter, Nora et lui se relaient ; l’adresse au public et l’adresse à l’autre s’imbriquent, l’on passe parfois d’une réplique à l’autre, du récit au public dans le présent de la représentation à l’âge de 13 ans, au « rejeu » d’un moment ou une sensation, vécus de 7 à 13 ans.
Exercice d’exploration :
Partager le groupe en deux et former des trios. Le premier groupe travaille les pages 29 à 32 jusqu’à « ni par le bruit, ni par le silence. », le second des pages 32, de « Le dimanche, il rentre… », à 34.
Préparation :
sur la photocopie du texte, distinguer par des flèches les adresses des répliques : une vers le bas pour les adresses au public, une autre horizontale pour celles adressées au partenaire.
chaque groupe s’entraîne à lire le texte, en exprimant ces adresses.
Présentation :
On demandera à P’tit Lu de se placer à l’avant-scène cour et Nora derrière lui, en diagonale à distance, pour que la vision soit plus claire. On rassurera sur la possible difficulté à quitter le texte des yeux quand les répliques sont longues, pour peu qu’au moins auparavant on ait établi, par le regard, un contact avec celui auquel on s’adresse. À ce stade, peu importe si cela crée des blancs.
Discussion : Est-ce que toutes les adresses ont été attribuées de la même façon ? Certaines sont-elles ambigües ?
Cf. Prolongement dans Mise en jeu.