éditions Théâtrales Jeunesse

Les Abîmés

de Catherine Verlaguet

Carnet artistique et pédagogique

Du fait de l’identification vraisemblable des plus vieux à Ludo et Faïza, les propositions sur cette troisième partie s’adressent plutôt au cycle 4 et secondes, hormis conseils et synthèse ci-dessous.

1. Cycle 3 : repères chronologiques, synthèse et prolongements

Déroulement du temps :

Avant la lecture de cette partie, pour aider les plus jeunes à s’y retrouver dans la chronologie bousculée des six ans de vie de Ludo, on pourrait établir une frise de la vie des deux frères, qui mette en parallèle les pages et les âges, de ce qui a déjà été lu aux indications données dans cette partie (cf. âge de Ludo puis indications temporelles pages 51, 54 et 64).

La frise réalisée, on posera la question : quand Ludo et Faïza nous racontent tout cela, quel âge ont-ils ? 18 ans ou plus.

Après la lecture, on précisera, au besoin, la frise chronologique. On se demandera par quelles étapes et avec l’aide de qui et de quoi Ludo a « grandi ». Pour ce niveau, on ira à l’essentiel (cf. analyse ci-dessous pour les plus vieux).

Propositions de synthèse sur toute la pièce :

  • à partir de photos de mise en scène : retrouver les passages, voire les répliques, correspondant, et écrire la légende de ces photos. (cf. Environnement artistique de la pièce)

  • jeu inspiré de Time’s Up : constituer un nombre pair de petits groupes permettant, au moment du jeu, le regroupement en deux équipes. Pour chaque partie de la trilogie, préparer secrètement un son, un geste, un mot ou une phrase, pas tirés du texte, et un tableau vivant. Chaque groupe devra faire deviner à l’autre équipe, ce qu’il aura tiré au sort : une consigne et un volume de la trilogie. Chaque bonne réponse fait gagner un point. La première équipe à 10 points a gagné !

  • imaginer ensemble ou par groupe, avec restitution collective, l’avenir des deux frères.

  • écrire un résumé chronologique de l’histoire de Ludo et P’tit Lu.

  • écrire un court texte disant pourquoi on a aimé ou non Les Abîmés.

  • appropriation sensible : en guise de réponse à la lettre de Ludo pages 71-72, P’tit Lu, qui a maintenant 13 ans, dessine pour son frère un tee-shirt, avec un motif et un mot ou court slogan, qui lui ou leur correspond.

Prolongements :

  • petit débat philosophique sur le mensonge, en s’appuyant sur des exemples nombreux dans le texte : est-il toujours une mauvaise chose de mentir ? Y a-t-il un ou deux critères qui permettraient de dire que mentir peut être une bonne chose ? (d’après la compagnie Le Bel après-minuit)

  • si l’on sait qu’un ou une camarade est en difficulté dans sa famille, comment se comporter avec lui/elle ? Que faire pour lui venir en aide ? (cf. les numéros et adresses utiles dans Annexes)

2. Cycle 4 et seconde : errances et résilience ?

Cette troisième partie lue, on reprendra le rituel du florilège des phrases qui ont marqué, partagées en cercle (pas pensées comme un contrôle mais dites avec conviction théâtrale), et des impressions, échanges spontanés.

- Un nouveau Ludo ?

Si Les Abîmés a été lu en entier, on comparera le chemin des deux frères.

« Que faire de la violence dont on hérite ? » s’interroge Catherine Verlaguet. P’tit Lu s’en démarque, lui oppose la sensibilité ; Ludo, lui, risque de la reproduire en colère, agressivité mais, s’il devra vivre avec, il aura appris à s’analyser et se dominer, « faire taire le volcan ». La résilience n’est pas l’effacement.

L’un et l’autre auront pu compter sur d’autres personnes attentives, leur ouvrant des possibilités de dénouer leur nœud de souffrances par l’attention et la création, la couture et la musique.

Même si pour Ludo l’avenir est plus incertain (qu’a-t-il vécu pendant ses trois ans d’errance ?), la fin est ouverte par l’espoir de ce « recommencer » qui clôt le texte. Y croit-il vraiment quand la lettre en épilogue se termine par le « il était une fois » qui n’existe que dans les contes ?

- Faïza, l’amie, le soutien indéfectible :

En groupe ou collectivement, on retrouvera comment s’exprime cette amitié, de l’âge de 12 ans à ce moment de retrouvailles : dans les actes (les œufs, le poussin donné, Ludo caché, le silence à l’école, la solution de sa vieille tante) et dans le comportement, un sens rare de l’écoute et du respect, comme ne cesse de le répéter Ludo : « Tu ne poses pas de questions. Tu respectes. » (page 54) Faïza a l’amitié solide, protectrice, quoi qu’il lui en coûte : responsabilité, culpabilité, inquiétude. Ludo lui la ménage, préfère jouer avec elle à rêver ses années d’errance plutôt qu’à lui en dire la dureté.

À propos de ce personnage, on se reportera aux brouillons de Catherine Verlaguet, page n°4 gauche (cf. Environnement artistique de la pièce) : les violences verbales des parents de Faïza ont disparu. Pourquoi ? Pour ne pas détourner le regard du spectateur de Ludo et pour poursuivre la chaîne des aidantes de Nora à Faïza et Anna (on notera la rime des prénoms). On fera le même constat page n°3 des brouillons (page 54 dans le livre).

On pourra relever d’autres recherches de centrage sur les deux « abîmés », par exemple le fait de ne pas avoir ajouté le personnage d’Anna.

- Anna, la vieille dame qui ouvre l’horizon (pages 52, 61-62, 64-66, 68-69) :

Qu’a-t-elle apporté d’essentiel à Ludo ? Le savoir et l’ouverture, qu’il n’a pas connus dans sa famille, la beauté de la musique, du piano, des paysages et la respiration apaisante. Imaginons, avant elle, comment Ludo aurait pu répondre à Faïza à la page 69 : peut-être bien « Arrête avec tes questions. Tu la boucles. Lâche-moi. » Peut-être aurait-il alors « abîmé » Faïza ?

Qui est Anna ? Pourquoi recueille-t-elle Ludo ? L’adopte-t-elle clandestinement jusqu’à lui réserver de quoi vivre après elle ? Quels risques a-t-elle courus ? (Ce personnage peut être l’occasion de mener quelques recherches sur les Justes.)

- La double énonciation :

On a vu précédemment que le théâtre-récit, forme dramaturgique de base des Abîmés, évoluait en épousant l’évolution de la vie de P’tit Lu et Ludo. C’est encore le cas dans cette troisième partie. Comme dans la deuxième, Ludo et Faïza sont présents pendant toute la scène et racontent ensemble, mais les situations d’énonciation se mêlent d’abord de manière plus complexe (ex : à la page 51, Ludo semble s’adresser à la fois à Faïza, à lui-même revivant ce moment, mais aussi possiblement au public) jusqu’à ce que, à partir de la page 67, les amis, comme seuls au monde, abrités derrière le quatrième mur fictif du théâtre, aient comme oublié le public. Ludo, qui n’avait que le public comme confident, n’en a plus besoin, Faïza est là : « tu sais » (page 68), « Tu peux me juger si tu veux. » (page 69) On est passé du monologue à la tirade.

Ce sera le moment d’aborder la question de la double énonciation théâtrale, le fait que toutes les informations que veut donner l’auteur doivent passer par les personnages et le plus naturellement possible. C’est d’autant plus vrai que la trilogie de « petites formes », pouvant être jouées indépendamment, nécessite que l’auteur redonne les informations essentielles (les maltraitances, la fugue de Ludo, P’tit lu le poussin et le foyer etc.) : le plus simple par un résumé de Faïza au public à la page 53, par le « rejeu », déjà rencontré dans la deuxième partie, des trois semaines où Ludo à 12 ans est resté caché, ou par une conversation entre les deux amis qui se rappellent le point culminant de leur amitié après une longue séparation.

- Une écriture au plus près du personnage, l’ultime confidence de Ludo (page 68) :

On se reportera à l’étude du premier monologue de Ludo à la page 11 (voir D. Le Bruit et le silence, 4. Une parole nue) pour lui comparer cette longue tirade. On retrouve la parole brute qui se reprend, se précise avec les mêmes caractéristiques auxquelles s’ajoutent ici les phrases nominales, mais quelque chose dans son expression a évolué : les élisions ont disparu, les doubles négations sont là. Si la colère est toujours latente, Ludo s’est apaisé (peut-être a-t-il aussi appris d’Anna que les mots valent mieux que les poings). Cet apaisement de la parole se mesure encore plus dans les répliques à la page 51 et à la page 70, d’où la nécessité pour l’acteur de s’appuyer sur la langue, son rythme, qui est la vérité du personnage.

cf. application dans Mise en jeu.

- Synthèse et prolongements :

Transposition : écoute de Prélude et fugue de Bach au piano, joué par Ludo dans les gares (cf. Annexes) : À quels moments ou parties du texte ces différents morceaux pourraient-ils correspondre ?

Théâtre et réalisation : étude et discussion sur la note d’intention et la mise en scène de la Compagnie Le Bel après-minuit (cf. Environnement artistique de la pièce) :

- choix des acteurs, costumes, éléments de décor, éclairage et épilogue,

- lecture des articles critiques du spectacle dans La Provence et Cult.news,

- comparaison avec la « petite forme nomade » sur la deuxième partie de Marine Bachelot Nguyen pour un théâtre de proximité, de reconnaissance.

Écriture :

- lettre de P’tit Lu en réponse à celle de Ludo,

- quelques jours d’un journal intime de Ludo pendant ses années d’errance,

- slam de Ludo sur sa vie.

Art : réalisation d’une affiche ou étude de l’affiche des Abîmés par la compagnie Le Bel après-minuit.

Débat : Anna a-t-elle bien fait de cacher Ludo ? (on pourra par exemple faire le lien avec d’autres matières, comme la philosophie ou l’enseignement moral et civique)